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L’intervention en Thérapie Sociale au service de l’Analyse des Pratiques

therapie sociale APP

L’Analyse des pratiques est un espace privilégié pour poser et résoudre ce qui met en difficulté les professionnels dans l’exercice de leur mission. Elle nécessite un engagement fort des participants : être prêts à être accompagnés, regarder ses réactions spontanées, accepter de se montrer dans sa vulnérabilité, de poser ce que l’on ne comprend pas, ce sur quoi on bute.

L’Analyse des pratiques demande aussi un engagement fort de l’animateur.

Elle exige de construire une certaine confiance dans le groupe et dans l’autorité de l’intervenant, sans quoi le travail reste superficiel voire artificiel.

Les intervenants formés à l’approche décrite ci-dessous mettent une attention particulière à la construction de cette confiance grâce à une posture qui sera décrite ici et un processus –  articulant sans cesse l’individu et le groupe – qui favorise l’intelligence collective. Ces éléments font de l’intervention en Thérapie Sociale une approche particulièrement pertinente et puissante dans un espace d’Analyse des pratiques.

FONDEMENTS ET PRINCIPAUX CONCEPTS

L’intervention en Thérapie Sociale vise à créer les conditions de la coopération en rapport avec un objectif précis. En Analyse des pratiques, elle soutient et stimule les liens et coopérations entre tous :

  • pour permettre des compréhensions nouvelles des vécus et pratiques des professionnels en rapport avec leurs publics,
  • et déterminer des pistes, des ajustements, se préparer pour retrouver une puissance d’agir à propos de ce qui peut être délicat, difficile, exigeant dans les pratiques des professionnels.

L’intervenant : Une posture spécifique

Dans sa préparation, sa posture et sa pratique, il est le premier facilitateur de cette coopération et il a appris à :

  • travailler avec toute sa réalité individuelle et celle d’un groupe.

Quand il anime un groupe d’Analyse des pratiques, il vise une coopération suffisante entre tous, tout en accompagnant ce qui viendra l’empêcher.

  • développer sa capacité à identifier ses peurs et ses besoins.

Quand il anime un groupe d’Analyse des pratiques, il aide le groupe à identifier des besoins tels qu’ils se manifestent en stimulant l’expression des peurs.

  • reconnaître ses stratégies de défense et d’attaque dans le lien, éprouver les violences dans leurs formes diverses, les sentiments d’impuissance, les ressentis et charges émotionnelles “négatives” et leurs expressions.
    • Quand il anime un groupe d’Analyse des pratiques, il :
      • « n’empêche pas l’expression des violences et de la victimisation, mais leur donne un cadre d’expression qui va permettre de dégager les véritables conflits de ce qui les empêche ou les rends violents. Il ne contrôle pas l’expression des participants mais la libère afin que les divergences éclatent et puissent être traitées.
      •  ne cherche pas à rendre les personnes responsables par un discours moralisant ou par une forme de conditionnement, mais aide le groupe à déterminer les responsabilités partagées et à prendre les décisions qui lui paraissent les meilleures.
      • ne cherche pas à ce que chaque membre du groupe change, mais à créer un environnement qui favorise les prédispositions existantes à la coopération par la restauration de liens blessés : le but n’est pas la guérison des individus, mais la guérison sociale »[1].
  • traverser dans ses rapports à l’autorité, les relations de soumission/rébellion, permettant d’accéder à une meilleure autonomie.
    • Quand il anime un groupe d’Analyse des pratiques, il accepte les remises en question du groupe en faisant la part entre les transferts négatifs et les critiques fondées, en évitant de réagir à la violence par la violence.
  • repérer ses ambivalences, ses visions manichéennes et fantasmées de la réalité.
    • Quand il anime un groupe d’Analyse des pratiques, il accepte avec une empathie véritable cela chez les participants tout en les amenant à développer une vision plus nuancée et complexe de la réalité.

Cette posture spécifique consiste à s’accepter dans son imperfection et dans la totalité de sa personne. Elle permet d’une part … « aux participants de faire l’expérience d’une autorité faillible et, d’autre part, d’apprendre ainsi à s’accepter eux-mêmes avec leurs points forts et leurs points faibles »[1].

Un processus d’intelligence collective sécurisant

Ni expert dans les problèmes exposés, ni apporteur de solutions, l’intervenant va accompagner les personnes à répondre à leurs questions et leurs enjeux, grâce à un processus balisé par les étapes suivantes, qui se répète d’une séance à l’autre selon les besoins :

  1. Création d’une relation de confiance suffisante entre lui et le groupe par une présentation engagée ;
  2. Mise en commun des motivations du groupe et les siennes – en aidant à l’expression du « négatif »(souffrances, sentiment d’impuissance, doutes, méfiances, appréhensions, réticences) et élaboration d’un contrat de groupe ;
  3. Constitution du groupe par l’organisation de rencontres improbables entre participants qui permettent d’abaisser les peurs entre les personnes présentes ;
  4. Coopération progressive par la mise en commun de vraies informations en traversant des phases de « victimisation » puis de « responsabilisation » qui permettent une meilleure compréhension et la résolution des problèmes exposés.

MISE EN ŒUVRE DANS UN GROUPE DE PROFESSIONNELS

  • Susciter la confiance et faire contrat avec le groupe

L’intervenant se présente de façon singulière, dit ce qui le fait être là, non pas seulement dans ses compétences ou qualifications, mais aussi dans ses envies, ses expériences sensibles et sensées. Il parle alors de son rapport aux groupes, aux publics et comment ceux-ci ont influencé sa vie professionnelle et l’ont amené à l’intervention en Thérapie Sociale ; soit en nommant certaines de ses expériences significatives, soit en prenant appui sur celles-ci dans sa posture.

L’intervenant présente également l’enjeu qu’il met dans l’Analyse des pratiques, sa motivation à accompagner ce groupe en particulier, puis décline sa proposition pédagogique, avec suffisamment de détermination et bienveillance.

Il termine enfin par la présentation de trois principes/règles de travail en Analyse des pratiques qui visent à garantir une confiance suffisante pour participer et s’engager :

    • l’attachement à la présence de tous sur le temps du cycle ;
    • l’exercice de la liberté une fois présent, chacun pouvant dire ce qui lui semble opportun, se montrer dans ses réflexions, ses convictions ou ses sensibilités, interroger, s’opposer… ;
    • et la confidentialité, conditionnant la liberté et sécurité dans l’expression.

Lorsqu’il estime sa présentation suffisante, il s’intéresse aux personnes et leur demande de réagir, y compris à propos des règles, sur 3 registres :

    • ce qui leur parle bien, leurs envies, ce qu’ils veulent réussir dans cet espace, avec cette pédagogie, dans ce groupe ;
    • ce qu’ils ne veulent pas faire, ce qui ne leur convient pas ;
    • l’expression d’un doute, d’une crainte ou d’un soupçon même minime, en vue de commencer ce travail.

L’intervenant accompagne alors l’expression des participants sur ces trois niveaux, qui peuvent se présenter tels qu’attendus, mais aussi sous forme de questions, de remarques, de convictions, d’inconforts, …

A travers cette étape, l’intervenant s’intéresse aux gens, les découvre et entend leurs réactions positives et négatives. Il aide les participants à diminuer leurs craintes et les soutient à se montrer tels qu’ils sont avec les pensées qui les traversent. En reconnaissant et clarifiant les appréhensions, les réticences, les doutes de chacun, un espace commence à se construire avec moins de peurs du jugement ou du rejet, permettant à chacun d’être motivé – voire remotivé – par le travail proposé pour aboutir à un contrat de groupe spécifique, réaliste et stimulant.

Ce début de confiance entre l’animateur et les participants peut paraître suffisant. Mais des peurs, des préjugés séparent encore les personnes. Pour susciter la confiance entre les participants, l’animateur organise des rencontres entre les gens pour leur permettre de se parler plus d’eux, de leurs craintes, inquiétudes, besoins… Ces échanges permettent de réhumaniser les autres et d’abaisser la vision « dangereuse » que l’on peut en avoir.

L’intervenant amène les participants à se rencontrer 2 par 2 entre : personnes ayant exprimé des points de vue différents lors du premier tour de table, celles qui semblent peu se connaître, celles qui ont évoqué des attentes qui paraissent opposées… Ces rencontres se réalisent spécifiquement sur le plan émotionnel, « réveillant ainsi le sentiment de fraternité »[2]. Elles se multiplient autant que nécessaire pour aider les participants à abaisser leurs peurs, déconstruire leurs préjugés, créer des rapprochements et des découvertes de l’autre… Ces rencontres sont indispensables pour la constitution du groupe.

  • Écouter les besoins

Une fois le groupe constitué, l’intervenant peut partir de l’expression de besoins directement exprimés par les participants et/ou peut proposer un exercice qui fera émerger et problématiser un thème, fil conducteur de la séance.

Ce besoin peut être de l’ordre d’une problématique individuelle d’un professionnel ou d’un questionnement plus collectif. Quoi qu’il en soit, l’intervenant veille à la fin de la séance à questionner chaque participant sur ce qu’il a compris du travail et des échanges, ce qui a pu faire écho chez lui, de façon à articuler la dimension individuelle et collective, toujours très intriquées dans les pratiques professionnelles.

La Thérapie Sociale repère que dans tout collectif, 4 types de besoins sociaux sont toujours à l’œuvre :

    • un besoin de sécurité (par exemple, dans sa pratique professionnelle, dans son intégrité…) ;
    • un besoin d’être en lien (par exemple, avec les personnes accompagnées ou avec ses pairs à travers des pratiques cohérentes…) ;
    • un besoin de reconnaissance et de valorisation (par exemple, de ce que l’on est, de ce que l’on fait, de ce que cela produit…) ;
    • un besoin de mettre du sens (par exemple, dans ses pratiques, dans son engagement…).
  •  
  • S’accompagner dans le groupe

La constitution du groupe renforce la confiance entre les participants. Ils sont alors plus libres de décrire la situation, ce en quoi ils la subissent, ce qui les empêche, ce qui vient les mettre en difficulté. Grâce aux questionnements et reformulations de l’intervenant et des autres membres du groupe, le professionnel va exprimer ce dont il est victime. Même si cette posture de victime est « une posture paralysante […] qui entraîne la passivité et l’incapacité de changer le cours des choses »[3], en écoutant la difficulté des participants et en les questionnant, en leur permettant de s’interroger entre eux…, d’autres horizons s’ouvrent qui prennent en compte la complexité de la situation présentée.

Progressivement, les professionnels vont regarder ce qu’ils font, comment ils le font, ce que cela produit sur eux, sur l’autre, sur l’équipe… On passe alors à l’étape de responsabilisation. «Face à un problème, le premier réflexe humain est de se positionner soit en victime soit en observateur distribuant les rôles des gentils et des mauvais »[3]. C’est en prenant conscience de cette part de responsabilité que les professionnels vont voir sur quoi ils peuvent agir pour sortir de l’impuissance. Regarder ce qu’ils font, ce que cela produit… leur permet de redevenir acteurs de la situation et donc d’identifier les leviers de changement qu’ils peuvent activer et trouver leurs solutions. Le rôle du groupe est ici très important, car c’est à travers ses questions, ses retours, ses visions de la situation qu’il va permettre aux professionnels des prises de conscience.

C’est par la répétition de ce passage de victimisation à responsabilisation tout au long du cycle d’Analyse des pratiques que le groupe entre véritablement dans une coopération qui permet à chacun de contribuer à l’évolution des situations bloquées.

Grâce à tout ce processus, chaque professionnel prend conscience de ce qui est en jeu pour lui, dans ses relations au public et envisage, à partir de là, d’autres façons d’agir, d’accompagner, d’intervenir et de réussir dans sa réalité.

EFFETS ET POINTS FORTS DE L’APPROCHE

Ce processus aide chacun et le groupe à :

  • mieux sentir, percevoir les nuances qui se manifestent dans le lien avec l’autre (l’usager, le collègue, le responsable…) et dans les visions qu’il a de lui (ses aspects qui plaisent et déplaisent) ;
  • mieux concilier son rôle professionnel et son authenticité avec l’autre pour articuler avec plus d’aisance, soi et sa mission ;
  • se soutenir dans ses nouvelles pratiques et développer une cohérence inédite avec soi et avec les autres dans les prises en charge. Les espaces d’Analyse des pratiques qu’animent les intervenants permettent effectivement de développer une vision commune, discutée et partagée en équipe avec moins de violences, rendant possible le conflit constructif. Ces espaces renforcent ou créent des solidarités, du soutien, de l’entraide entre les professionnels. En ça, ils permettent de diminuer le sentiment de solitude et d’impuissance que les personnes ressentent parfois ;
  • développer plus d’autonomie en pouvant plus facilement (re)connaître les mécanismes à l’œuvre et donc sortir plus rapidement des phénomènes de victimisation ;
  • intégrer la démarche de questionnement et d’introspection dans leur quotidien;
  • restaurer ou renforcer leur capacité à créer, innover ensemble ;
  • mieux incarner leur posture d’autorité dans leurs pratiques.

Tout cela participe de la qualité de vie au travail.

POINTS DE VIGILANCE SPÉCIFIQUES DANS LA MISE EN ŒUVRE

Pour obtenir ces effets et ces apports pour les professionnels, les équipes, les publics et l’institution, certaines conditions doivent être réunies. En amont, le commanditaire et l’intervenant en Thérapie Sociale doivent dialoguer de celles-ci :

  • Garantir un fil rouge, en mettant en place des rencontres rythmées (environ, 1 séance par mois) sur un cycle minimum de 10 mois, reconductible après évaluation.

Ce rythme et cette durée donnent la possibilité :

    • de se projeter dans le temps ;
    • de construire un climat de confiance, d’entretenir la motivation, d’aller progressivement vers plus d’implication des participants… ;
    • de construire un espace “fort” qui résiste au quotidien du service et à ses aléas ;
    • de mettre au travail les apports des séances au fur et à mesure et garder l’équipe mobilisée, entre les séances ;
    • et d’évaluer en continu le travail réalisé voire l’ajuster ou l’approfondir.

Si les séances sont plus espacées ou sont programmées sur une durée plus courte, il s’agira pour l’Intervenant en Thérapie Sociale d’une aide ponctuelle à laquelle il peut répondre, mais qui n’entrera pas dans un dispositif d’Analyse des pratiques tel que présenté ici.

  •  Clarifier le besoin du groupe et du commanditaire : en veillant à ce que l’objectif visé soit orienté vers la pratique professionnelle et non sur la qualité des relations entre les personnes du groupe.

Si des antagonismes trop forts existent dans l’équipe et gênent voire empêchent le travail centré sur les pratiques, l’intervenant en Thérapie Sociale, proposera de faire évoluer le dispositif vers un travail de régulation d’équipe (qui peut être le préalable nécessaire à un dispositif d’Analyse des pratiques).

ORIGINE DE LA MÉTHODE ET DE L’APPROCHE

Au début des années 1980 et au fil de sa pratique, Charles Rojzman fait plusieurs découvertes qui lui permettent de développer cette “approche transdisciplinaire [qui] ne peut être réduite ni à une méthode d’intervention, ni à une démarche de psychothérapie, ni à une branche de la psychologie clinique ou de la psychosociologie. Au contraire, elle repose sur une vision résolument transdisciplinaire avec pour objectif principal de comprendre et de transformer les phénomènes de violence à tous les niveaux de la vie humaine et sociale »[1].

 En transformant la violence par le conflit, la Thérapie sociale « agit sur plusieurs niveaux à la fois : thérapie du lien social, éducation à la vie démocratique et dispositif d’intelligence collective. Elle permet d’intégrer dans l’action la réalité dans toute sa complexité, que ce soit dans la vie sociale, politique, citoyenne, personnelle ou professionnelle »[1].

 Aujourd’hui, la Thérapie sociale intervient dans tous les domaines où la qualité de la relation aux autres est en jeu : espaces publics, villes, quartiers, associations, monde de l’entreprise et la vie de tout un chacun.

Aujourd’hui, la Thérapie sociale TST® (Transformative Social Thérapie) est une marque déposée, appartenant à l’Ecole Internationale de Thérapie Sociale qui forme et supervise les professionnels intervenants.

Un texte de:

– Pascale HAUET, Intervenante en Thérapie sociale – 06 62 04 22 69 | pascalehauet@icloud.com

– Perrine LEBOURDAIS,  Intervenante en Thérapie sociale – 06 84 80 58 55 | lebourdais.perrine@gmail.com

– Jérome VOISINIntervenant en Thérapie sociale – 06 11 29 67 65 | icare.dijon@yahoo.fr 


Références Bibliographiques

[1] Charles Rojzman, Igor et Nicole Rothenbühler, La Thérapie Sociale, Chronique Sociale, 2015.

[2] Rojzman C., Bien vivre avec les autres, Larousse, 2009.

[3] Rojzman C., « Sortir de la violence par le conflit. Une Thérapie sociale pour apprendre à vivre ensemble », La Découverte, 2008.

Analyse des pratiques, Contrat, Thérapie Sociale, Intelligence collective, Posture