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Analyse des pratiques et analyse institutionnelle

“Les institutions, ensemble des organisations sociales établies par la loi ou la coutume » Définition du dictionnaire le Robert”.

La sociologie des organisations a popularisé la notion de comportements d’acteurs, c’est-à-dire de comportements stratégiques d’individus ou de groupes résultant de leurs enjeux. Si les acteurs disposent de marges de manœuvre, leurs enjeux sont contingentés par le lien à l’institution. L’exercice d’un métier, d’une fonction, des pratiques professionnelles sont déterminés par le cadre de l’institution, et des injonctions auxquelles l’institution répond.

En quoi l’analyse institutionnelle trouve-t-elle sa place dans un dispositif d’analyse des pratiques ?

 Comment entendre et articuler une parole à propos de l’institution à celle de l’exercice professionnel ?

De quoi une institution répond-elle ?

Définir une institution revient à situer du lien institué, c’est-à-dire un lien contractuel résultant d’un cadre juridique et symbolique. Un exemple : un hôpital est inscrit dans la loi, donc d’un cadre juridique, et d’une représentation, d’une place dans la société, donc d’un cadre symbolique. La loi précise la finalité, les obligations et les moyens de toute institution. Pour répondre à cette demande sociétale, une institution doit définir les métiers, les personnels, les compétences nécessaires à répondre à la demande sociétale. De cette réalité, il résulte un lien d’obligations de l’institution à une ou des tutelles représentant la demande sociétale.  L’institution produit du lien social et subjectif pour les Sujets qui y travaillent.

Une institution s’inscrit dans une histoire politique et sociale, de la culture, des représentations de métiers, de valeurs et d’idéaux. La place qu’elle occupe en contingente l’extériorité ou l’intériorité, de la position ouverte à la position contrôlée ou fermée. La position d’un hôpital diffère de celle d’un centre pénitentiaire. Leurs ouvertures respectives à la société et l’accès à leur intériorité ne se confondent pas.

Le but social d’une institution se double d’un but gestionnaire, c’est-à-dire des effets d’obligations économiques d’une demande qui n’a pas de rapport avec le but social, et pourtant le contraint et l’oriente par des objectifs de résultat, des budgets, des ratios et indicateurs de gestion, l’institution de la mobilité interne ou de la polyvalence des personnels, en tant que gestion des besoins de l’organisation. Le but social et le but gestionnaire n’ont pas de convergence. Ils peuvent faire clivage, quand bien même le discours gestionnaire entend « tout concilier », c’est-à-dire réduire la conflictualité par ce qu’on appelle communément « les arbitrages ».

Ces préalables étant posés, en quoi l’analyse institutionnelle trouve-t-elle place dans un dispositif d’analyse des pratiques ?

Les trois statuts d’un équipier dans l’analyse des pratiques

Le lien salarial « oblige » un Sujet sur trois plans : celui de l’agent économique, celui du Sujet social et celui du Sujet désirant. L’agent économique est défini par la production d’un salarié adressée à l’organisation économique de l’institution. Par économie, j’entends ici – pas seulement la finance en ce qu’elle se manifeste dans la conception et la production d’un travail – mais le sens premier de l’économie, c’est-à-dire d’une organisation opérationnelle et symbolique de l’institution.

Par exemple, du but social d’un hôpital, résulte une répartition des pouvoirs et des représentations : le gestionnaire, le médical, l’organisation par pôles, le discours de légitimation et d’injonctions des représentations, par exemple ce qui est dit de la place du Patient, pris comme un Tout, et ce par quoi dans les actes médicaux et de soins et les relations se manifeste du lien effectif à des patients.  Les réalités groupales, sociales et culturelles définissent le Sujet social, celui du lien au groupe, des modalités et rituels d’appartenance et de représentations culturelles. Par exemple, qu’est-ce qu’une « catégorie professionnelle » dit d’elle-même en tant que place occupée dans l’organisation, donc pouvoir et imaginaire du métier.

Le plan du Sujet désirant, ou celui des affects et d’un but narcissisant, est celui par lequel une personne au travail produit des affects, quelle que soit l’organisation de l’institution et les modalités de travail. Le contrat narcissique se joue autour de la valeur d’un métier ou d’une fonction, en ce qu’il transfère cette valeur à la personne en exercice professionnel.

En quoi l’analyse institutionnelle s’inscrit-elle dans le fonctionnement groupal et subjectif ?

Introduire de l’analyse institutionnelle revient à ce que ces plans prennent place dans le travail d’analyse d’un groupe et de personnes. L’idéal managérial scinde le fonctionnement organisationnel de la vie psychique et sociale des salariés. Cet artifice produit de lui-même des « trous noirs », c’est-à-dire des causes de dysfonctionnement, de conflits, d’hystérisation et de jouissance de questions structurelles organisationnelles (fonctionnement) ou symboliques (représentations).

Des groupes et personnes produisent au Travail de la rivalité, de la compétition, du jugement, du clivage, de l’amour ou du désamour, de l’énergie vitale qui les fait croire « motivés », comme « démotivés ». Cette production a pour origines la réalité sociale et subjective que j’ai décrite par le « Sujet social » et le « Sujet désirant ». La réalité d’appartenance à un groupe produit en elle-même un conflit pour le Sujet désirant qui, tout en s’identifiant par désir et nécessité aux normes culturelles du groupe d’appartenance, entend exercer consciemment ou inconsciemment sa subjectivité (affects, vision du monde, idéaux et valeurs). Toutefois, les mêmes causes de dysfonctionnement et de clivages ont rapport avec des causes structurelles de l’institution et de ses dirigeants.

Les visées stratégiques d’une organisation, leur usage par la direction et les groupes sociaux des professionnels produisent des affects, réactions, jugements, en définitive de la jouissance*2. Et la jouissance, par les tensions qu’elle s’efforce de réduire et de transférer à d’autres, a pour conséquence les répétitions, la symétrie des conflits, autrement dit l’homéostasie : rien ne bouge, dans une répétition symptomatique.

L’analyse institutionnelle ne « peut pas tout », pas plus qu’un abord autre des réalités sociales et subjectives du Travail. Elle peut ouvrir un champ d’analyse et de parole autour du fonctionnement de séparer ou de mettre en lien le fonctionnement institutionnel, les réalités groupales et la question du désir du Sujet du Travail*3.


1* – Graam, groupe clinique autour du désir de Travail, Paris. www.graam.fr

2* – La jouissance, ou encore la satisfaction et l’insatisfaction, et ce qui en résulte de recherche d’abaissement des tensions. Dans une équipe, on peut entendre de la jouissance par les projections, les sentiments tels que la jalousie, l’envie, la recherche de boucs émissaires, la circulation de culpabilité dans un processus répétitif.

3* – Le Travail ne fait pas seulement motivation, c’est-à-dire intérêt ou satisfaction par rapport à des tâches. Le choix d’un Travail a pour origine une projection dans un métier, les représentations et idéaux dont il est chargé, et ce que le Sujet va y traverser comme conflits archaïques du fait que le Travail « ça n’est pas ça », autrement dit il y a toujours du manque du côté du Travail, de l’injonction, des figures d’autorité et / ou d’amour. La question n’est pas qu’il y ait du désir comme il y aurait de la motivation, mais ce qui porte le désir et sa vectorisation, ce par quoi il s’exprime.

Un article de Marc LASSEAUX – contact@bymarclasseaux.com

Analyse des pratiques, Conflit, Equipe, Institution