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Intervenant en Analyse des pratiques professionnelles : Psy ou pas Psy ?

Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles

Depuis leur émergence,  les séances d’analyse des pratiques (APP) ont fortement évolué. Leurs objectifs se sont précisés, conduisant à une véritable mutation et reconnaissance du “métier” d’ Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles. Il paraît important de clarifier cette évolution qui concerne autant  la communauté des Intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles que les équipes participantes et les directions.

En tant que formatrice de ces intervenants, c’est bien la question que l’on m’a le plus posé : faut-il être “psy” pour être intervenant APP ?  Sachant que ce que les gens entendent par “psy”comprend psychologues, psychothérapeutes, psychiatres et psychanalystes.

Enjeux et tendances globales des Analyses des Pratiques Professionnelles.

Que vous soyez “psy” ou justement pas, je vous propose un angle de vue macro en revenant sur les grands enjeux et les tendances globales de cet univers spécifique des APP depuis les 15 dernières années.

Il est important de comprendre que du point de vue de la loi, la réponse est facile à donner : non, il n’y a pas besoin d’être “psy” pour animer des séances d’APP sauf exclusivement dans le secteur de la petite enfance, où très récemment, (décret d’Aout 2022) ont été précisés certains diplômes associés à une certaine expérience afin de pouvoir prétendre effectuer ce type d’accompagnement d’équipes. Et parmi les diplômes retenus figurent ceux de psychologue, psycho-sociologue et psychiatre.

A ce titre vous pouvez consulter les deux articles écrits à ce sujet aux côtés d’une avocate spécialisée en droit administratif :

Si la réponse est aussi simple, du point de vue de la loi, pourquoi cette question reste-t-elle si importante pour le terrain lui-même ? Il y a là, des fondamentaux et certaines subtilités à connaitre.

Une approche psychanalytique historique

Au niveau historique, les Analyses des Pratiques ont un héritage très “psy” et de ce fait, cette dimension leur est encore souvent associée. Il serait d’ailleurs plus juste de préciser  qu’il s’agit d’une dimension “psychanalytique” plutôt que “psychologique”.

En effet, depuis les années 70, les dispositifs d’accompagnement des pratiques s’exerçant dans les équipes et établissements médico-sociaux (notamment de santé et d’éducation spécialisée) étaient menés en grande partie par des psychanalystes ou médecins psychiatres d’orientation psychanalytique. A juste titre, puisqu’il était question de laisser des espaces cathartiques aux équipes, et de permettre aux professionnels (soignants/personnels éducatifs) d’identifier et de dénouer les enjeux de transferts entre eux et les bénéficiaires.

Parallèlement les groupes Balint se sont fortement développés, appuyant là encore la nécessité de placer au centre des échanges professionnels les notions d’inconscients et de transfert affectif dans les relations. Il était donc logique que des professionnels d’obédience psychanalytique soient recherchés pour effectuer ce type d’animation et que les directions privilégient ces profils puisque les concepts précédemment cités (inconscient, transfert, etc…) sont au cœur des approches psychanalytiques. Il y a encore, à ce jour de nombreuses directions et services Ressources Humaines qui publient des annonces de recherche d’Intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles en mentionnant des profils de psychologues. Preuve en est du poids de cet héritage dans l’univers des APP.

La légitimité à animer des séances d’Analyse des Pratiques Professionnelles.

Aujourd’hui nous assistons timidement à des nouveaux positionnements de commanditaires et les profils recherchés d’Intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles se sont élargis. Il est important de souligner que ce sont les équipes qui sont à l’origine de ces transformations. En effet au travers de l’évolution de leur secteur et des contraintes qui y sont associées, les équipes sont amenées à appréhender et analyser différemment leur pratique.

Et pourtant la question  d’être “psy” ou non pour animer des APP se pose encore.

Et s’il était question de légitimité ?

De nombreux Intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles (n’ayant pas de formation spécifique psy) me l’ont confié : pas simple de se sentir légitime.  Petit clin d’œil et confidences, les collègues psy, menant des séances d’Analyse des Pratiques sont également nombreux à se poser la question de leur légitimité… Comme quoi, il semble que cette question soit plus profonde qu’il n’y parait et vienne interroger l’Être Humain, plus que le professionnel. Car oui, entre confiance en soi et humilité, il y a un point d’équilibre à trouver pour se sentir serein dans sa posture d’Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles.

Les nouvelles attentes des équipes

Les objectifs  de l’APP, les compétences de l’Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles et les demandes du terrain se sont précisées, voire même décalées. En effet, les équipes ne semblent plus avoir les mêmes attentes. Leur soif de comprendre leurs inconscients au travail a semble, t-il, laissé la place à vouloir questionner le sens, l’éthique, et la cohérence autour des missions du quotidien. De ce fait, l’importance d’être psy est devenue moindre et l’on peut comprendre facilement que d’autres profils deviennent alors très intéressants voire attractifs pour les institutions.

Etre psychologue en séance d’APP

La formation psy n’est pas, de fait,  un avantage pour ” la posture de l’Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles“. En effet, le risque de glissement vers un  une analyse psychologique/psychanalytique des situations étudiées, un groupe thérapeutique, ou même un espace enlisé par la plainte des salariés envers l’institution est augmenté avec une formation “psy” chez l’intervenant. C’est un constat.

Vous l‘aurez compris, ma réponse est donc nuancée.

Être psy présente certains avantages pour animer des séances d’APP :

  • solide formation à la position méta (capacité à s’observer fonctionner)
  • connaissances de nombreuses techniques d’écoute et d’entretien,
  • compétences en termes de gestion de la dynamique de groupe.

Cependant il y a également l’inconvénient majeur de faciliter l’ouverture d’ une dimension thérapeutique qui viendrait semer une importante confusion chez les participants.

Les observations et retours de formations et de terrain

Je forme des professionnels ayant des diplômes initiaux d’éducateurs spécialisés et populaires, chefs de services, directeurs, assistants sociaux, enseignants, conseillères en économie sociale et familiale, médiateurs, coachs, infirmières… il est clair que leurs parcours leur offre bien souvent un pragmatisme très apprécié par les équipes (pour lesquels une grande partie des “psy” peuvent parfois se retrouver, en difficulté de par leur activité hyper-mentale).

Je forme également des psychologues, psychiatres, psychothérapeute et psychanalystes régulièrement. Et pour partager un cursus commun avec ces professionnels (étant moi-même psychologue de formation et psychothérapeute), je peux également témoigner de leur facilité à se distancier du discours et de leurs capacités à poser des questions permettant de faciliter la transformation des narrations des participants en véritables problématiques professionnelles collectives.

Les compétences clés d’un Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles

Alors qu’est ce “qu’il faut” pour être intervenant APP ?

Je vous dirai surtout : de l’humilité, de la sensibilité à l’Humain et certaines compétences techniques. Lesquelles ?

Voici celles qui me paraissent incontournables :

  • être au clair au niveau conceptuel et technique de ce que sont et ce que ne sont pas les séances d’Analyse des Pratiques Professionnelles,
  • savoir repérer les problématiques professionnelles au travers des discours et échanges des participants,
  • relancer et recadrer les échanges pour faciliter la réflexivité et le travail d’élaboration,
  • savoir lire et utiliser la dynamique de groupe

La loi nous laisse animer des séances d’Analyse des Pratiques dans de très nombreux secteurs, avec une grande latitude concernant le diplôme d’origine, alors autant privilégier la diversité et l’ouverture !

Puisse cet article vous apporter des éclaircissements dans vos observations et réflexions autour du métier d’Intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles.

Anne CHIMCHIRIANIntervenante, formatrice et superviseure en APP – Drome / PACA


Crédit photo : Photo de George Pak sur Pexels

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