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L’approche orientée solution au service de l’intelligence collective dans les groupes d’Analyse de la Pratique Professionnelle.

intelligence collective

Un modèle interactionnel

On entend de plus en plus souvent parler d’intelligence collective dans les offres de prestations proposées aux organisations privées comme au secteur social et médico-social. L’Analyse de la Pratique Professionnelle n’échappe pas à la règle surtout quand elle est assurée par des coachs professionnels formés à l’approche systémique.

Et pourtant, comme le rappelle Jean François Dortier dans un essai au titre provocateur Psychologie de la connerie « Il arrive qu’à plusieurs on fasse pire que tout seul ».

En effet, il ne suffit pas de faire travailler des gens ensemble pour qu’il y ait intelligence collective ou, comme l’avait exprimé Sylvain Connac lors d’une conférence, Il ne suffit pas de faire travailler des enfants en petit groupe pour qu’il y ait coopération.

L’intelligence collective n’est donc pas un outil ou une méthode pour l’intervenant, c’est un processus complexe misant sur les interactions entre les participants pour faire émerger un savoir supérieur. L’intelligence collective serait donc la somme des intelligences individuelles plus leur relation, une définition sur laquelle la plupart des chercheurs s’accordent et qui de fait replace le principe de coopération au centre de l’accompagnement.

Mack (2004), quant à lui, définit l’intelligence collective comme « une capacité qui, par la combinaison et la mise en interaction de connaissances, idées, opinions, questionnements, doutes…de plusieurs personnes, génère de la valeur supérieure à ce qui serait obtenu par la simple addition des contributions de chaque individu ».

Mais alors quelles sont les conditions d’émergence d’une dynamique d’intelligence collective dans un groupe d’APP ? En quoi, l’approche orientée solution peut-elle répondre à ces attendus ? Quel serait alors le rôle de l’animateur ou du facilitateur pour rendre possible ce processus ?

Dans cet article, il sera question de la première étape de ce processus complexe, c’est-à-dire ce qu’il se passe dans la ou les premières séances.

Le modèle PERE

Pour qu’il y ait production d’intelligence collective dans les groupes d’Analyse des Pratiques, il est nécessaire que l’animateur en relation avec les participants, se servent des premières séances pour créer du mieux qu’ils peuvent un environnement de travail propice aux interactions et à la co-construction. J’ai imaginé un modèle en 4 parties complémentaires et aléatoires.

P comme se Projeter

Dès la première séance, l’animateur rappelle les objectifs généraux d’un groupe d’APP et expose les attentes énoncées du prescripteur s’il y en a.

La prise en compte de ces éléments est importante mais ne doit pas supplanter les attentes du groupe et notamment de ce qui pourrait advenir de cet espace de coopération.

Les outils et techniques de questionnement de l’approche orientée solution sont très aidants pour s’accorder sur « un futur espéré » qui fasse consensus et aide l’animateur à cerner dans quel type de finalité se situe le groupe (P61, G. Le Cardinal ; J-F Guyonnet ; B. Pouzoullic ; La dynamique de la confiance ; Dunod ;1997).

Voici quelques exemples de questions à ce stade :

  • Quel est votre plus grand espoir à l’issue de ces groupes d’APP ? Quelle différence cela fera-t-il pour vous ? Quoi d’autres ?
  • Quel sera le premier petit signe qui vous fera dire que ces groupes de travail ont été utiles pour vous ?
  • Imaginons que ces groupes aient produit les effets désirés, à quoi le saurez-vous ?

L’animateur doit être attentif aux interactions entre les participants afin que tout le monde puisse s’exprimer et faire part de ses attentes. Il reste attentif aux différences qui sont exprimées et tente de centrer le groupe sur un objectif qui fasse consensus.

En voici quelques exemples :

  • Faire évoluer nos modes de management et gagner en confiance afin de rendre le service plus opérant.
  • Améliorer notre communication interprofessionnelle afin de proposer un accompagnement de qualité aux résidents.
  • Apprendre les uns des autres afin d’améliorer nos pratiques professionnelles.

 Une fois la direction connue, il sera plus facile pour les participants de s’impliquer dans ce processus et d’auto-évaluer les effets de la prestation au regard de cet objectif.

E comme Engagements

 Pour créer une dynamique de groupe positive et engager les participants dans un processus de coopération, il est important de prendre un temps pour les faire réfléchir sur le cadre dans lequel ils souhaitent évoluer dans ces séances. C’est aussi une façon pour qu’ils s’expriment sur les conditions d’un espace suffisamment sécurisant pour pouvoir se lancer. Pour cela, il y a plusieurs techniques et celle que je retiens le plus souvent est celle des engagements :

Individuellement, chacun réfléchit à 3 thématiques :

  • A quoi je m’engage dans ces groupes ?
  • Ce que j’attends des autres ?
  • Ce que j’attends du dispositif ?

La mise en commun de ces idées permet de pouvoir préciser les attentes de chacun (qu’entendez-vous par confidentialité ? qu’est-ce qu’une écoute active pour vous ?) mais aussi de les faire valider par le reste du groupe et créer un consensus (en quoi cette vision de la confidentialité fait-elle sens pour les autres participants ?)

Suite à cette étape, l’animateur pourra toujours garder un exemplaire de ces engagements ou solliciter les participants pour en faire une belle restitution. Ce document sera une sorte de charte éthique du groupe qui permettra à l’animateur de recadrer les participants en fonction de leurs propres engagements et non des siens.

R comme se Rencontrer

Au départ de toute aventure, il y a la rencontre. Ce temps d’échange dans les premières minutes est crucial pour amorcer le travail de coopération et créer un espace de convivialité où chacun peut se présenter professionnellement.

C’est souvent l’occasion pour les participants de se découvrir ou de se redécouvrir dans la création d’un récit prenant en compte les interactions professionnelles et l’altérité mais aussi à travers tous les messages non verbaux que Paul Watzlawick, dans son livre Une logique de la communication, parodie très bien : « Voilà comment je te vois, voilà comment je te vois me voir, voilà comment je me vois moi-même et comment j’aimerais que tu me vois, cela te convient-il ? ».

Il existe différentes techniques pouvant être utilisées pour sortir du tour de table traditionnel qui n’apportent pas grande information et qui ne font qu’exacerber les places et les personnalités de chacun.

Dans cette partie, c’est la construction identitaire du groupe au regard des identités de chacun qu’il s’agit de développer. Ainsi, avec l’approche orientée solution, l’animateur fait le choix de questions résolument tournées vers les compétences, les savoir-faire (techniques relationnelles et les ressources actionnables).

Le Cardinal, Guyonnet et Pouzoullic dans leur livre La Dynamique de la Confiance précise : « Coopérer au niveau de l’identité ne serait-ce pas également souligner les talents, les comportements bien adaptés, les bonnes idées, les prises d’initiatives heureuses, les réunions bien animés… »

Voici quelques exemples de questions utiles :

  • Quelle est la chose que vous préférez dans l’exercice de votre métier ?
  • Quelles qualités (si vous êtes cadres) les équipes vous reconnaissent-elles ?
  • Comment vos collègues de travail vous perçoivent-ils professionnellement ?
  • Quelle est votre plus grande réussite professionnelle ? Quelle place ont eu vos collègues dans cette réussite ?
  • Quelle qualité reconnaissez-vous à votre équipe ? Comment ont-ils été aidants pour vous ?
  • Que vous a apporté cette expérience professionnelle dans l’exercice de votre métier actuel ?

Il ne s’agit pas juste de poser des questions, l’animateur doit favoriser les échanges entre les participants afin de valoriser aussi bien les ressemblances que les différences. De par cet « art conversationnel » comme l’explique De Jong et Kim Berg dans leur livre De l’entretien à la solution, l’animateur participe à la mise en place d’un espace de communication sécurisant où les différences sont d’autant mieux acceptés que les points de convergences sont mis en lumièrere.

Ainsi, l’animateur devrait toujours garder en tête qu’au-delà des présentations individuelles, c’est le groupe qui se dévoile et se construit. Ces premiers instants contribuent pleinement à la construction d’une dynamique d’équipe de travail et au développement d’une base propice à l’émergence d’une intelligence collective.

E comme Évaluation

Évaluer le type de relation (animateur/participants)

Steve de Shazer dans un article célèbre a décrété la mort de la résistance pour mettre en lumière un élément primordial dans le paradigme socioconstructiviste et dans l’approche orientée solution, c’est le concept de coopération.

En effet, que ce soit dans un accompagnement individuel ou un accompagnement de groupe, nous partons du principe qu’il y a toujours coopération. La seule chose qui varie est le type de relation qui se développe entre l’intervenant et le groupe en fonction des éléments de contexte.

On distingue différents types de relations :

  • Relation visiteur: Les participants sont présents mais n’ont aucune bonne raison, ni aucune envie de se lancer dans ce travail.
  • Relation plaignante: Il y a une volonté de mise au travail, le groupe reconnait l’intérêt d’un groupe d’APP mais les problèmes principaux à traiter sont extériorisés. Les participants ne sont pas à même d’analyser leur propre pratique professionnelle dans la mesure ou le Vrai problème est ailleurs. Ex : Le problème pour l’équipe c’est la direction et toutes les situations sont vues à travers ce prisme.
  • Relation acheteur: Le groupe comprend tout à fait l’intérêt de l’APP et se fait suffisamment confiance pour se lancer dans le travail et traiter directement la relation qu’il entretient à la situation. Le groupe accepte très facilement le recadrage de l’animateur et les propositions d’aide du groupe.
  • Relation co-animateur: A ce stade, il est possible de mettre en place de la co-animation avec les participants qui peuvent prendre la place de l’animateur. Le groupe à un niveau de coopération très élevé qui pourrait lui permettre d’avancer sans animateur extérieur.

On comprend donc l’intérêt pour l’animateur d’évaluer le mode de relation et de pouvoir le faire évoluer au cours des prochaines séances grâce à des techniques de questionnements propres à l’approche orientée solution et aux techniques d’animation de groupe.

Évaluer le niveau de confiance dans le groupe

La confiance des participants les uns envers les autres est une condition nécessaire dans le processus d’intelligence collective. Au plus ce niveau sera élevé et au plus les apprentissages seront grands.

Pour évaluer ce niveau de confiance, nous pouvons utiliser un outil de l’approche orientée solution qu’on appelle la question à échelle. C’est un outil d’exploration qui permet au groupe de se situer par rapport à cette thématique. C’est un outil très simple qui nécessite malgré tout une bonne maitrise pour pouvoir en tirer un maximum de profit.

Grâce à cet outil et aux échanges qui en découlent, l’animateur pourra juger du bon timing pour rentrer de plain-pied dans le travail d’analyse de la pratique professionnelle en utilisant, pourquoi pas , la méthodologie du CODEV parfaite dans un processus d’intelligence collective.

Dans la plupart des cas, nous commencerons à partir de la deuxième séance mais il arrive que l’on diffère cette mise en action afin de consolider la dynamique de groupe (par exemple dans le cas d’un groupe en relation visiteur).

NICOLAS-HEUX

L’intelligence collective n’est donc pas simplement l’addition des intelligences individuelles. Une lecture systémique et interactionnelle est nécessaire pour animer ces groupes de travail et déboucher sur un processus d’intelligence collective.

Dans cet article, j’ai voulu décrire la première étape de ce processus complexe, un modèle imaginé pour engager les équipes dans cette direction. Les techniques d’animations et les outils utilisés sont nombreux et seront toujours à compléter.

Pour finir et pour mettre en lumière le célèbre adage systémique tiré des travaux de l’école de Paolo Alto qui dit que « le tout est plus que la somme des parties », je vous inviterais à reprendre les 4 étapes de ce modèle de manière aléatoire, car l’ordre est bien moins important que le mode d’animation prenant en compte les interdépendances de ces différentes parties.

Nicolas HeuxPsycho-socio-praticien – En savoir plus sur l’auteur


Crédit photo: BERK OZDEMIR provenant de Pexels

Intelligence collective, approche orientée solution, dynamique de groupe