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Analyse de pratique, un angle mort administratif

financement

J’interviens depuis de nombreuses années auprès d’établissements sociaux et médicosociaux pour animer des groupes d’analyse de pratique. À chaque fois et encore dernièrement, après que la demande d’un établissement m’a été faite et avoir proposé à celle-ci un devis et une petite convention précisant la nature de l’intervention, quand la question se pose pour l’établissement de la rémunération de cette activité, celui-ci ne trouve pas dans son budget une ligne correspondant à l’analyse de pratique. Souvent pour pouvoir assurer cette intervention, la plupart du temps l’analyse de pratique est financée à partir du budget formation. Il m’est même arrivé il y a quelques années, auprès de deux établissements, pour ne pas remettre en cause son P.A.U.F., l’analyse de pratique a été financé par le budget transport.

À chaque fois, je précise que l’analyse de pratique n’est pas une formation et qu’il n’est pas normal, surtout eu égard aux objectifs de l’analyse de pratique que celle-ci pondère le budget formation ou se confonde avec celle-ci. À cette remarque les directeurs(trices) concèdent qu’effectivement ce n’est pas normal, mais ils ne peuvent pas faire autrement dans la mesure qu’il n’y a pas de budget accordé à ce travail et qu’ils sont dans un angle mort administratif. Par ailleurs, cette situation est en contradiction pour la majorité des directeurs(trices), car la mise en place de l’analyse de pratique leurs est recommandé, elle était d’ailleurs inscrite dans les recommandations de l’A.N.E.S.M.

À ce niveau, pourquoi cet angle mort ?

Avant d’examiner des hypothèses, il faut bien préciser pourquoi en aucun cas l’analyse de pratique peut être considérée comme une formation.

Pour ceux comme moi qui pratique l’analyse de pratique depuis plus de 20 ans, cela ne fait aucun doute. Il peut avoir ci et là, certes minoritaires, quelques-uns qui sont dans la confusion, mais pour la majorité il ne peut avoir confusion entre ces deux formes d’interventions.

D’abord l’analyse de pratique n’a pas un objectif formateur et il n’y a pas de plan, de programme et d’organisation pour atteindre cet objectif. L’analyse de pratique peut déboucher sur l’amélioration de certaines situations, mais elle peut également n’en faire évoluer aucune si les participants restent sur leurs réserves. Le professionnel participant qui n’aurait pas évolué dans sa pratique à la suite de plusieurs participations ne peut pas être remis en cause, seul sa présence acte un travail. De ce fait, il n’y a pas de mesure, ni de trace marquant une évolution à partir d’une base programmatique. Seul l’acte de parole compte et l’analyse de pratique travail toujours à partir de positions subjectives. Il n’est pas nécessaire de faire la preuve de fait authentique.

Également l’analyse de pratique est construite sur la discussion, elle ne justifie pas un accord commun sur une pratique, elle peut simplement mettre en évidence au sein d’une équipe des formes de pratiques différentes, souvent liées aux histoires personnelles des professionnels. Ce qui compte c’est la manière où chaque professionnel entend la différence dans la pratique de l’autre. Ce qui peut et contribue souvent à lever les malentendus qui pourrissent le travail collectif.

Encore, l’analyse de pratique ne s’inscrit pas dans une durée ce qui est totalement en opposition avec une formation. Le nombre de séances, leurs durées horaire, la constitution des groupes peuvent être remanié à tout moment. Pareillement, la direction de l’établissement, le groupe participant ou l’intervenant à tout instant peuvent décider l’arrêt des séances, soit définitivement, soit en changeant le cadre de l’intervention et donc l’intervenant, même si sur le principe des recommandations celles-ci sont pensées pour une durée indéterminée, tant qu’il y a de l’activité professionnelles.

Alors pourquoi l’analyse de pratique n’est pas prise en compte dans les budgets des établissements ?

À mon niveau n’étant pas compétent dans les logiques administratives, je resterai ici à évoquer que quelques hypothèses, laissant à chacun la possibilité d’en trouver d’autres.

La première qui semble venir de loin et qui certainement a pu contribuer à cet angle mort, peut se trouver dans les sphères de ceux, il y a vingt-cinq ans, dans la gestation de la loi 2002, ont souhaité un réaménagement complet des différents secteurs de l’aide à la personne (sanitaire, médicosocial et social).

À la fin des années 90, une mauvaise réputation courrait, comme quoi, dans tous ces établissements il y avait une propension à la réunionnite et à des discussions sans fin. Bref, une activité professionnelle qui parle beaucoup pour ne rien dire et surtout ne rien faire. A partir de là, il parait évident dans la réorganisation de ces secteurs qu’il était inconcevable de financer des réunions uniquement centrées sur des discussions qui en plus n’aboutissent pas à des décisions et actions concrètes auprès des populations accueillies.

La seconde, il fallait que ce secteur, comme l’ensemble du système économique se dirige sur le modèle de l’entreprise, avec comme axe majeur, la productivité. Une instance dans les établissements qui n’a pas cette orientation ne peut en aucun cas être soutenu ou soutenable. Or l’analyse de pratique ne produit rien en termes de projets ou de décisions concrètes.

La troisième, l’ensemble de l’activité d’un établissement doit être évaluable, voir mesurable, voir chiffrable. L’analyse de pratique ne laisse pas de trace mesurable dans le sens d’une progression dont l’évaluation pourrait facilement faire ressortir. La dimension subjective d’un mieux-être est très difficilement quantifiable.

Alors pourquoi l’analyse de pratique n’a pas été dissoute ou jugé comme une activité inutile ou de confort superflu ?

A l’expérience, ce qu’on pourrait appeler une culture professionnelle a bien résisté à ces conceptions du travail d’aide à la personne sur un modèle productif. Car la nature de ce travail n’est pas menée à partir d’une technologie, mais uniquement à partir de l’investissement, de l’attachement et de l’empathie des personnes engagées dans ce travail. Indépendamment des savoir-faire, la réponse principale c’est d’abord et avant tout d’être là, ici et maintenant dans un moment d’extrême vigilance auprès de ces personnes qui sont à priori dans le besoin d’aide et de soutien. La nature de ce travail ne peut trouver ses ajustements et positionnements, la plupart du temps, qu’à partir de l’interrogation sur son propre positionnent et son approche subjective des événements relationnels qu’il traverse. Situations souvent qui ne peuvent être traité que dans le cadre de l’analyse de pratique. Ici, les valeurs premières sont avant tout l’altruisme et la bienveillance.

En plus de cet aspect particulier de ce travail qui reste aujourd’hui encore dominant dans le médicosocial et le social, mais qui a été profondément mis à mal dans le sanitaire dont on voit aujourd’hui les dégâts, est, si ces conditions sont remplies, le mieux-être des professionnels agit toujours positivement auprès des populations accueillies.DIDIER BOUTERRE

Peut-être c’est là, que l’analyse de pratique perdure dans sa forme classique d’espace de parole et d’analyse, malgré qu’elle dénote sur les conditions d’exigences qui conditionnent les établissements (démarche qualité entre autres), mais, avec cet angle mort qui fait qu’elle n’est pas reconnue en tant que tel, du moins au niveau des budgets !

Par Didier BOUTERRE, Psychologue, formateur, superviseur… En savoir plus…

 

P.A.U.F. :Programme Annuel d’Utilisation des Fonds de la formation.

Crédit photo:  Clker-Free-Vector-Images de Pixabay

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