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Relation d’aide et souffrance au travail . Quand la souffrance est contagieuse : le syndrome vicariant

Les médias se font l’écho de la progression d’une inquiétante réalité. Quotidiennement, les titres alarmants attirent notre attention : « l’hôpital est en crise », « le burnout des soignants », « souffrance au travail, la faute au management ? », «  la souffrance au travail et les pathologies émergentes »…

Depuis l’ouverture de mon cabinet de psychothérapie en 1998, la proportion de patients consultant pour surmonter leur souffrance au travail a plus que quadruplé. Cela m’a conduite à l’écriture de « Triomphez de la souffrance au travail », ainsi que « Triomphez des manipulateurs ».

Le manque de moyens financiers, la pression des résultats, et des outils de management souvent inappropriés peuvent évidemment être incriminés.

Mais lorsque les personnels, salariés ou bénévoles en souffrance sont eux-mêmes des individus dont la mission, chaque jour, est de soulager et accompagner des individus en souffrance, dans des structures sociales, éducatives, ou médico-sociales, il nous faut nous demander comment les aider à retrouver un positionnement qui les protégerait des effets destructeurs de leur empathie.

1 – Quand la pratique professionnelle tourne au sacrifice de sa santé

On parle de syndrome vicariant lorsque le traumatisme ou les douleurs du public viennent, insidieusement, modifier l’état psychologique, émotionnel, physiologique et comportemental de l’aidant.

  • La souffrance est contagieuse :

Comment, en effet, ne pas être touché, voire traumatisé,  part le contact régulier avec des récits de vie parfois tragiques, révoltants, voire avec la mort elle-même ? Les professionnels du monde de la santé ou de l’aide sociale, mais aussi les policiers, les pompiers, les avocats, les enseignants, jour après jour en contact avec la mort, la maladie, ou la violence, se retrouvent régulièrement atteints du syndrome de stress post-traumatique qu’ils s’évertuent à soulager chez autrui dans leur pratique.

  • Les neurones miroirs :

Car la vocation ou le choix d’aider les victimes à se reconstruire les expose à cette contagion, par l’action des neurones miroirs. En effet, certains neurones se mettent en résonance avec les neurones du public accompagné. En d’autres termes, lorsque votre patient souffre physiquement  ou émotionnellement, une partie de votre cerveau est activée en résonance. Le cerveau ne faisant pas la différence entre une action accomplie, vue, ou même simplement imaginée. A moyen ou long terme, on constate donc que tous les acteurs du soin ou de l’accompagnement aux publics en souffrance sont vulnérables au stress post-traumatique.

2 – Que faire des charges traumatiques ?

La maïeutique de Socrate est un bon exemple des effets de la parole sur notre état et notre cheminement personnel. Les prêtres et autres confesseurs chargés de recueillir des secrets pour soulager l’âme jouaient déjà ce rôle d’aidants. Puis, Freud a théorisé en inventant sa «  cure par la parole, la psychanalyse ».

  • La parole qui guérit :

L’accompagnement des individus en syndrome de stress post-traumatique nous rappelle que le traumatisme naît d’une charge émotionnelle soudaine trop intense, et donc impossible à digérer psychiquement. Il va donc falloir, pour intégrer le choc, et réduire ses symptômes ( insomnies, hyper-vigilance, repli sur soi, sidération ,état anxieux, dépression, pour ne citer qu’eux), aller retraiter progressivement la charge émotionnelle en s’y confrontant pas à pas, goutte à goutte pour ainsi dire. La parole joue ici un rôle de choix. A chaque évocation du souvenir, c’est un peu de la souffrance qui se trouve diluée. Les rêves récurrents témoignent de ce phénomène : au fil des mois et des années, l’histoire du drame reste la même, mais la façon dont le rêveur la vit et la met en scène s’apaise progressivement.

  • Les aidants doivent déposer leurs fardeaux et leurs secrets !

Les soignants et les accompagnants ne font pas exception  à la règle :

C’en parlant, en évacuant régulièrement les histoires, voire les visions  horribles dont ils sont les témoins, qu’ils pourront éviter burnout et syndrome de stress post-traumatique. Etant soumis à une déontologie précise, indissociable de la confidentialité, il est indispensable qu’ils puissent trouver un espace sécurisé où se délivrer des confidences parfois tragiques qui les hantent.

D’où l’utilité des groupes de parole, des dispositifs d’analyse de pratiques, mais aussi de la supervision individuelle ou d’équipe.

3 – La juste distance : un positionnement à trouver

  • Etre touché (e ) , jusqu’où où ?

Ces dispositifs proposent à l’aidant de réfléchir et réévaluer, si nécessaire, son positionnement face au souffrant. Quand l’empathie ou la compassion sont les moteurs d’une profession, ou les sources d’une vocation, on ne peut évidemment adopter, face à celui qui vous raconte ses drames, un positionnement totalement ment neutre émotionnellement et affectivement. . Mais jusqu’où se laisser toucher ? J’ai abordé ce thème dans mon ouvrage «  c’est quoi un psy ? » ( Editions Dervy-Médicis, 2006 ). La réponse est évidemment individuelle.

  • La nécessité du « travail sur soi »

Nous travaillons et rentrons en contact avec autrui à partir de ce que nous sommes. C’est la congruence chère à Carl Rogers. Tout travail de supervision individuelle ou collective nous amènera donc à interroger les résonances entre l’histoire de notre public et la nôtre. Le travail sur nous ( psychothérapie, analyse personnelle ) ne sont donc jamais totalement indissociables de nos pratiques professionnelles.

  • Alors, comment respecter notre équilibre d’aidant, de soignant ?

Mon expérience de superviseur m’a montré que les soignants et aidants doivent particulièrement cheminer vers l’acceptation de leurs limites et de leur impuissance : Non, on ne « sauvera pas tout le monde », et non, on n’est pas responsable des souffrances de la planète, et non encore, tenter de soulager autrui jusqu’à l’épuisement n’est pas le meilleur choix possible. Un soignant debout et en bonne santé est plus utile qu’un aidant surmené ou en arrêt de travail à cause d’un burnout. Faisons ce que nous pouvons,  faisons-le bien, et nous serons ainsi des exemples vivants du respect de soi, meilleur antidote à la violence et à la souffrance.

  • Partager des outils de prévention et de régulation

Les supervisions, groupes d’APP, groupes de paroles et formations destinés aux soignants et aidants peuvent aussi être l’occasion de partager des outils éprouvés de gestion et régulation du stress et des émotions.

  • La contagion de l’espoir :

Nous pouvons remplacer le cercle vicieux par un cercle vertueux. Puisque nos humeurs peuvent influencer autrui, il ne tient qu’à nous de cultiver les humeurs positives !

Et ce afin de remplacer cette contagion par le malheur, par une contagion par l’espoir et la sérénité, lorsque nos valeurs sont rudement éprouvées par certaines réalités tragiques dont nous sommes les témoins. 

  • Des techniques éprouvées :

De la même façon que nos neurones miroirs nous rendent vulnérables aux douleurs de notre interlocuteur, nous pouvons développer des techniques validées scientifiquement pour modifier nos humeurs ou contrebalancer cette contagion par l’horreur. Une hygiène mentale, comme des techniques simples visant notre bien-être physique et émotionnel, peuvent être des outils de transmutation puissants. Je les ai abordés dans mes ouvrages «  Petit Manuel de vie pour éviter 10 ans de psy » et «  le pouvoir d’être heureux » (Editions Bussière ).

Enfin, et pour conclure, nos groupes d’APP, de régulations d’équipe et de supervision pourraient laisser une place à une réflexion sur la manière dont nous pouvons transmettre aux publics avec lesquels nous sommes en contact des pistes pour aller mieux, moins souffrir, et cultiver la résilience ? Le soin, qu’il soit psychique, psychique ou social n’est -il pas, aussi, une occasion de progresser dans notre capacité à rester en bonne santé malgré les expériences parfois confrontantes dont la vie a le secret ?

Ecrit par : Anne-Catherine SABAS – Psychanalyste – Superviseur – Formatrice

SSPT, syndrome de stress post traumatique, syndrome vicariant, Souffrance au travail