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L’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire

APDI

Un dispositif à médiation pour l’élaboration des situations professionnelles

L’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire[1] est une méthode qui utilise l’imaginaire comme médiation. A partir d’une vignette[2] l’intervenant offre un espace d’élaboration, d’abord dans le réel puis en se déplaçant dans l’imaginaire. une vignette est un extrait d’une situation mettant en scène le professionnel et le public accueilli, extrait limité dans le temps et dans l’espace avec un début et une fin. L’imaginaire est un intermédiaire à la fois ludique et puissant pour permettre aux professionnels de découvrir les enjeux latents des situations professionnelles.

L’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire est d’un dispositif à la fois structuré, visant à éviter les dérives des séances d’analyse de la pratique, et adaptable aux singularités des groupes.

FONDEMENTS

Constats

Sans dispositif structuré, les séances peuvent rapidement dériver vers des plaintes institutionnelles, le fameux « bureau des pleurs », le « procès des absents » ou encore les « bons conseils » de la part des professionnels les plus aguerris. Cela amène à imaginer un dispositif permettant de mettre les professionnels au travail de leur tâche primaire avec un outil, l’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire

L’objet de l’analyse de la pratique

L’analyse de la pratique se situe entre ces deux frontières : analyse clinique et psychothérapie. Elle n’est pas de l’analyse clinique (étude de cas ou de situation) où il est seulement question de l’autre, de la personne dont l’institution a la charge, de son histoire. Elle n’est pas non plus de la psychothérapie groupale où il est question de soi dans son intimité.

Il s’agit de traiter du mouvement contre-transférentiel du professionnel[3], de la façon singulière dont il va être touché, ébranlé parfois, par ce qu’il rencontre dans son activité professionnelle. Cependant, il sera question de la part professionnelle de la personnalité de chaque participant, non de ce qui est de l’ordre de son histoire intime.

Principes actifs de l’approche

  • Le travail de médiation

La médiation renvoie à la notion d’intermédiaire entre le réel de la situation présentée et le parler de cette situation (les représentations de mots, la symbolisation). La médiation renvoie également à la notion de facilitateur de la parole.

  • Le déplacement dans l’imaginaire

Le déplacement dans l’imaginaire est le processus conscient par lequel, à partir d’une vignette présentée par un professionnel, le groupe propose une transposition dans le monde imaginaire, dans un lieu imaginaire, avec d’autres personnages.

L’imaginaire renvoie à la triade introduite par Lacan : réel, imaginaire et symbolique. Ces trois éléments ont entre eux une relation d’intrication réciproque. L’imaginaire renvoie à l’image (encore qu’il ne faut pas le voir seulement issu de la sphère visuelle), au corporel, aux identifications, au désir du professionnel, donc aux modalités contre-transférentielles.

LA MISE EN ŒUVRE AU SEIN D’UN GROUPE DE PROFESSIONNELS

L’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire est une valse à cinq temps.

Pour que la valse commence, il faut une prise de parole. Cela peut être un temps de feedback sur la séance précédente, ou encore un temps-météo où chacun va pouvoir déposer son humeur, ses préoccupations du moment, temps d’amorce pour amener au premier temps. Cela peut être aussi simplement un temps de silence nécessaire pour qu’une parole advienne.

Le temps du récit

Le premier temps est le temps du récit où un professionnel, le narrateur, va amener le récit d’une situation. Si cette situation amenée est trop globale, l’intervenant aidera notre narrateur à cibler un moment limité, à dégager une vignette. Lorsque le narrateur déroule le fil de son récit, les autres participants font l’expérience de l’écoute silencieuse.

Le temps de la focalisation

Le deuxième temps est le temps de la focalisation. Il s’agit pour les participants de questionner le narrateur pour se faire préciser les détails de la vignette. C’est aussi souvent un temps de partage groupal, le temps où peuvent être accueillis les différents points de vue sur la situation apportée. Mais in fine, ce temps de focalisation permet à chaque participant de se faire son propre film à partir de la vignette. Pour l’intervenant, ce temps permet de focaliser, de réduire son champ visuel sur l’instant qui a été le plus chargé émotionnellement pour le narrateur. C’est dans ce temps que le latent apparaît parfois au détour d’une précision ou d’un souvenir, occulté dans le premier temps du récit.

 Le temps de l’imaginaire

Le troisième temps est celui de l’imaginaire. Il s’agit pour les participants de laisser aller les images qui leur viennent à l’évocation de la vignette, jusqu’à la co-construction d’un scénario qui transposerait la situation sur une scène imaginaire.

Prenons pour exemple une professionnelle en difficultés avec une résidente très somnolente. Cette résidente se réveille pourtant avec un professionnel plus aguerri. La professionnelle deviendrait dans l’imaginaire une fée occupée avec la belle au bois dormant. Cette belle se laisse pourtant réveiller par le prince. Le jeu des hypothèses s’ouvre autour de la fée, de la belle au bois dormant, du prince, et des relations qui se tissent entre chacun d’eux. Comment la fée vit-elle sa difficulté face à la belle au bois dormant alors que le prince, lui, parvient à la réveiller ? Pourquoi la belle est-elle si dormante ? Qu’est-ce qui parvient à la réveiller ? Comment la fée réagit face à l’intervention du prince ?

Ces questions permettent d’ouvrir sur des hypothèses de compréhension de ce qui a pu se jouer entre les personnages.

Le temps des scénarios

Le quatrième temps est celui des scénarios possibles. Il s’agit là de mettre au travail la souplesse psychique des participants en imaginant des scénarios différents, en changeant tel ou tel élément.

La fée s’est mise à l’écart quand le prince a réveillé la belle. Pourrait-on imaginer un échange avec le prince sur sa façon de réveiller la belle, sur son savoir-faire ? Pourrait-on imaginer que la fée profite du réveil opéré par le prince pour prendre le relai avec la belle ?

Ce quatrième temps permet ainsi de nourrir le groupe sur des pistes possibles pour la prise en charge, comme c’est le cas dans l’analyse clinique.

Le temps du bilan

Le cinquième temps est celui du bilan. Ce temps offre aux participants, à commencer par le narrateur, la possibilité d’exprimer leurs ressentis quant à cette fin de séance, dans l’ici et maintenant. C’est pour l’intervenant l’occasion de mesurer les effets de la séance.

EFFETS ET POINTS FORTS DE CETTE APPROCHE

L’apport de l’imaginaire dans les séances d’analyse de la pratique permet de familiariser les équipes avec la notion de phénomènes latents, inconscients, à l’œuvre dans leurs relations avec les usagers. Cela permet aussi de protéger le professionnel-narrateur qui n’est plus désigné en tant que tel mais qui devient l’un des personnages.

L’imaginaire va plus loin que le simple récit des évènements manifestes, il dépeint l’ambiance, il va chercher la coloration émotionnelle de la vignette, les subtilités relationnelles entre les différents personnages. Ainsi, le premier effet de l’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire. est de transformer le récit brut et lacunaire du narrateur en une représentation plus complète, plus colorée. Cette nouvelle représentation offre au narrateur le sentiment d’avoir été entendu au-delà de ce qu’il a pu exprimer de façon manifeste. Il lui offre aussi la possibilité d’accéder à certains mécanismes inconscients qui l’ont amené à réagir ainsi, il lui offre parfois l’insight, cette compréhension soudaine du narrateur qui s’accompagne d’une grande satisfaction partagée par tous.

POINTS DE VIGILANCE SPÉCIFIQUES DANS LA MISE EN ŒUVRE

Confiance et règles fondamentales

Pour que ce travail puisse se faire, trois niveaux de confiance doivent s’instaurer :

  • confiance en l’institution : les professionnels doivent pouvoir percevoir les séances comme une ressource, même si leur participation est obligatoire.
  • confiance en l’intervenant et son dispositif qui va de pair avec l’extériorité de l’intervenant vis-à-vis de l’institution

-confiance dans le groupe avec deux règles fondamentales : la règle de confidentialité et la règle de suspension du jugement. La stabilité dans la composition du groupe et un effectif restreint ont aussi leur importance.

Un dispositif adaptable

L’intervenant doit par ailleurs veiller, dans la mise en œuvre de son dispositif, à s’adapter à là où en est le groupe au moment de la séance. L’Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire doit offrir une médiation suffisamment malléable pour permettre à chaque groupe de se l’approprier afin de l’aider à penser (panser) sa pratique. Chaque temps (récit, focalisation, imaginaire et scénario) va s’adapter dans sa durée selon s’il s’agit ou non des premières séances, en fonction de la maturité du groupe, des problématiques auxquelles les professionnels sont soumis… Plus le groupe prend de l’expérience et plus les temps d’imaginaire et des scénarios possibles se développent.

FONDEMENT THÉORIQUE DE LA MÉTHODE

L’Analyse de la Pratique avec Déplacement (A.P.D.I.) dans l’Imaginaire a été fondée par J.C. HATT, psychologue clinicien. Elle est le fruit de nombreuses années d’intervention en analyse de la pratique au sein des institutions médico-sociales.

Les fondements théoriques de cette méthode sont issus du courant psychodynamique, psychanalytique, avec un niveau manifeste, conscient et rationnel et un niveau latent, inconscient, davantage lié aux affects, aux émotions, aux phénomènes corporels.

Cette méthode d’analyse de la pratique est issue d’une double filiation : les groupes Balint créés et développés par M. BALINT, les théories de W.R. BION.

Les groupes Balint étaient des lieux de formation continue des médecins qui se sont généralisés aux professionnels de santé. La tâche primaire de ces groupes est l’analyse du contre-transfert du professionnel. Cependant, il s’agira en analyse de la pratique de traiter de la part professionnelle du transfert, non de sa part intime : c’est la différence entre transfert public et transfert privé définie par BALINT[4].

BION a mis en évidence des mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement psychique des groupes restreints, mécanismes auxquels l’intervenant doit veiller pour maintenir le cap de la tâche primaire. La théorie de BION s’est enrichie des apports d’ANZIEU, KAES et FUSTIER.

Un texte de:

Maryane QUENIN Psychologue clinicienne 06 84 81 54 34 | maryane.quenin@orange.fr

Jean Claude HATT Psychologue clinicien  06 80 89 05 78 | contact@iapl.fr


[1] A.P.D.I. Analyse de la Pratique avec Déplacement dans l’Imaginaire

[2] Une vignette est un extrait d’une situation mettant en scène le professionnel et le public accueilli, extrait limité dans le temps et dans l’espace avec un début et une fin. Il arrive que le professionnel présente une vignette à double volet avec une situation initiale et une situation secondaire.

[3] Le contre-transfert a été défini par Laplache et Pontalis comme l’ « ensemble des réactions inconscientes de l’analyste à la personne de l’analysé et particulièrement au transfert de celui-ci ». Le transfert est la réactualisation dans le cadre de la cure analytique des éléments appartenant à l’histoire du patient dans la relation patient-psychanalyste. De nombreux travaux après Freud ont montré que ces enjeux de transfert-contre-transfert ne sont pas exclusifs à la psychanalyse : ils se jouent dans toute relation aidant/aidé, relation éducative et/ou soignante.

[4] « Cette différence correspond à peu près à celle qui existe entre le fait d’atteindre le transfert manifeste, et celui de toucher au transfert latent, caché, de chaque médecin pris individuellement » M. BALINT(1957), « le médecin, son malade et la maladie », Paris, PAYOT, 1961, p331

Imaginaire, médiation, APDI