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De professionnel de la petite enfance à intervenant en Analyse des Pratiques

Petite enfance formation

Le décret du 29 juillet 2022 a rendu obligatoire l’analyse de pratiques dans toutes les structures accueillant des enfants de moins de 6 ans. Ainsi, il a fixé les conditions de formation et de diplôme des intervenants en Petite Enfance. Une vraie révolution dans le monde de la petite enfance ! Cet outil professionnel est enfin mis à disposition de toutes les équipes. Pourtant, les retours du terrain interrogent et montrent que la mise en place n’est pas toujours adaptée. Nous ne reviendrons pas ici sur le nombre d’heures. Six est insuffisant pour porter une continuité dans la réflexion au fil des séances. En revanche, nous allons questionner l’impact de l’arrivée de nouveaux intervenants, venant du terrain de la petite enfance et souvent, parallèlement, responsables de crèche ou formateur. Nous allons voir comment ceux-ci sont obligés de changer de posture. Ce changement nécessite le plus souvent de passer par une formation.

Faire évoluer ses objectifs

L’un des premiers points à envisager est celui de leur définition. « Elles pourront vider leur sac » est l’objectif trop souvent formulé, dans une expression infantilisante qui confond groupe de parole et analyse de pratique. Les séances n’ont pas non plus pour but de revoir l’organisation, l’APP n’est pas un lieu de décision. La recherche du sens des pratiques et leur amélioration, la cohérence au sein de l’équipe, sont des objectifs essentiels. En effet, ils peuvent être communs à une réunion d’équipe et à une séance d’Analyse des pratiques. Ils seront envisagés différemment par l’animateur soit:

  • En termes de management dans la réunion d’équipe.
  • En termes de transmission de connaissances pour un formateur.
  • En termes de réflexivité en Analyse des pratiques.

Un intervenant ayant une expérience de responsable devra lâcher prise sur sa posture de manager, un formateur sur l’intention d’apporter des savoirs.

Mettre en œuvre une méthodologie spécifique 

Depuis les groupes Balint, et les groupes de soutien au soutien de Jacques Lévine, une méthodologie de l’APP s’est théorisée en plusieurs temps[1]. D’abord, le temps du récit. Il permet d’évoquer la situation problème par une personne, voire par plusieurs, en particulier dans la petite enfance, les professionnels travaillant ensemble par sous équipe ou section.

Ensuite, le temps du questionnement : quels éléments nous manquent pour nous représenter la situation ? Que fait-elle vivre aux personnes concernées ? Le temps de la recherche d’une compréhension amène à poser des hypothèses sur l’origine du problème : du point de vue de l’enfant, du parent, des pratiques.

Enfin, le dernier temps est celui de la formulation de pistes possibles pour améliorer la situation. Selon la formation de l’intervenant, ces temps seront formulés différemment. Mais, l’important est que la séance soit suffisamment structurée pour ne pas tomber dans des conversations type « café du commerce », plaisants mais inefficaces, ou dans de trop longs silences, maltraitants pour le groupe.

La posture de l’intervenant est d’abord d’être dans l’écoute, une écoute active qui sait interroger. Il est un guide dans la réflexion et peut apporter des éléments de connaissance pour nourrir la compréhension, mais il n’est pas là pour apporter des solutions ou une analyse. Un réel changement pour une directrice de crèche ou un formateur. C’est toute la subtilité de la posture qui nécessite une solide formation.

Tenir le cadre de l’analyse de pratique en structure petite enfance

Le principe même de l’analyse de pratique est de travailler et de penser à partir de ses difficultés. Pour qu’il puisse être mis en œuvre, il faut qu’un cadre le garantisse. Confidentialité, non-jugement sur les paroles, participation en sont les règles principales qui permettront un travail dans la confiance entre les membres du groupe et avec l’intervenant. Ce dernier est garant de ce cadre vis à vis du groupe.

Il doit le faire respecter également par les gestionnaires. Les retours récents du terrain évoquent, par exemple, des demandes de compte-rendu des séances de la part des directions ou des gestionnaires. Ces demandes sont tout à fait incompatibles avec la règle de confidentialité et l’instauration d’un climat de confiance au sein du groupe. L’intervenant doit être en capacité de refuser cette exigence, en expliquant sa position. Donc, il doit bien connaître le cadre de l’Analyse des pratiques et être en capacité de le porter et de le défendre. Là encore, une formation spécifique permettra de construire cette compétence spécifique.

Nous devons rajouter que l’intervenant est obligatoirement extérieur au service dans lequel il exerce. Il semble que certains services, par souci d’économie, utilisent leurs propres personnels, coordinatrices, directrices pour animer des séances pour leurs équipes. Comment la confiance peut-elle s’établir lorsque l’intervenant est impliqué dans la hiérarchie du service ?

Se former et se faire superviser

Venir du terrain de la petite enfance peut être un réel atout dans l’animation d’un groupe d’APP, par la connaissance de l’histoire, des politiques petite enfance, des (nombreux) métiers au sein de l’équipe. Mais cette condition, inclue dans le décret de 2022 n’est pas suffisante pour devenir un intervenant. Comme le dit Anne Chimchirian, un intervenant doit être clair sur le cadre et le dispositif. Il s’agit d’un changement de métier et pour cela, la formation est indispensable. Il en existe plusieurs, certaines étant plus spécifiquement orientées sur la petite enfance. A partir d’apports méthodologiques et théoriques, de mise en situation et de groupes cliniques, le changement de posture est accompagné.

Thollon BeharLa pratique d’intervenant est très solitaire, même s’il travaille avec des groupes. Elle nécessite d’être supervisé tout au long de sa carrière. C’est là que continue à se travailler une posture adaptée. C’est là, que sera questionné le contre-transfert, pour prendre du recul sur ce que font vivre les groupes. La supervision peut être individuelle ou groupale, ce qui favorise les échanges de pratiques.

Pour des interventions de qualité

L’analyse de pratique est un outil professionnel soutenant pour les équipes et permettant de lutter contre l’usure professionnelle. Elle participe à l’amélioration de la qualité d’accueil de l’enfant et de ses parents. Pour qu’elle le demeure, il nous faut défendre les conditions de son efficacité. Soit, défendre un nombre de séances suffisants (6 séances annuelles au minimum de 1,5à ou 2 heures selon la taille du groupe) et des intervenants compétents. Être diplômé de la petite enfance ne garantit pas la compétence comme nous venons de le voir, à travers les exigences du métier d’intervenant en Analyse des pratiques.

Thollon Behar M.P – Psychologue, docteur en psychologie, Intervenante et formatrice en Analyse des Pratiques Petite Enfance

Auteure de Petite enfance et analyse de pratique, repères pour intervenir, Chronique Sociale, 2023


[1] Thollon Behar M.P., Petite enfance et analyse de pratique, repères pour intervenir, Chronique Sociale, 2023.

Crédit photo : Yan KrukauPexels

directrice de crèche, Intervenir en analyse des pratiques, petite enfance