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Séances d’analyse de pratiques

Éclairage sur le processus groupal

L’approche Gestaltiste étant traversée de la phénoménologie, science des phénomènes, de ce qui apparaît à la conscience, je tenterai l’exercice suivant qui consiste à décrire ce qui peut se présenter en cours de séances d’analyse de pratiques, de décrire les choses mêmes qui se présentent à l’intervenante que je suis, que je représente, en lien avec ce que les participants peuvent avoir aussi conscientisé et partagé au terme d’une dizaine de séances.

Pour ce faire, j’ai répertorié les effets à partir des 4 thèmes suivants :

  • La posture de l’intervenant
  • Les apports théoriques et méthodologiques
  • L’effet cathartique
  • L’effet pygmalion

1. LA POSTURE DE L’INTERVENANT

Il y aurait deux manières possibles d’intervenir en analyse de pratiques, ce qui correspond à 2 postures bien distinctes :

  • Celui qui regarde avec distanciation, « avec de la hauteur » pourrait-on dire.

L’intervenant est considéré comme un supérieur hiérarchique par ses pairs de par son expérience et son savoir. Il a toute légitimité dans ce cas à analyser, conseiller, orienter.

  • Celui qui peut, bien qu’étant au sein de groupe, regarder d’un point de vue différent. Il fait partie du groupe mais s’en différencie (nous dirions dans le jargon gestaltiste qu’il procède « à une rupture de confluence ») Son attitude se veut confrontante et soutenante. Par confrontante, j’entends le fait d’opposer à l’apparent consensus un regard autre et en ce sens interpeller, ouvrir le champ des possibles et soutenir la figure de l’étonnement ou de la non-compréhension, que cette dernière ne soit qu’un passage incontournable mais non inéluctable.

L’intervention en analyse de pratiques dans ce second cas que je privilégie, n’apporte pas tant les réponses toutes faites, préconçues, aux questions qui peuvent se poser , et encore moins des injonctions à être ou à faire de telle manière et non pas de telle autre.

La conduite d’une analyse de pratiques s’appuie sur un processus groupal au cours duquel c’est le groupe lui-même, en tant qu’entité, qui adopte cette fonction que l’on pourrait presque qualifier de « supervisante ».

L’intervenant à cet endroit-là, n’a pour d’autres visées que de stimuler, éveiller la curiosité, proposer de nouvelles grilles de lecture, encourager à questionner et à formuler de nouvelles hypothèses : «Et Si ? » ou encore «Est-ce ça OU ça ? ou cela ne pourrait-il pas être A LA FOIS ça ET aussi ça…. », «Quel tri peut-on faire parmi toutes ces idées que vous avez énoncez »…

2. LES APPORTS THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES

Pour autant, si nous venons de le voir ; l’intervenant intervient davantage sur la forme que sur le fond, il n’en demeure pas moins qu’un questionnement lui étant adressé directement puisse nécessiter des repères d’ordre théorique et/ou méthodologiques. Contourner ou éluder ces questions aboutirait certes à en évacuer l’anxiété sous-jacente mais ce qui est visé ici est justement que cette figure anxiété puisse s’exprimer.

« Que doit-faire avec un épileptique, face à son hyperactivité qui nous assomme ? »

Ou encore :

« Comment agir avec une mère bipolaire, qui par certains moments peut prendre toute la place, n’hésitant pas même à s’immiscer dans la relation Parent/Professionnel, allant jusqu’à s’emparer du cahier de transmission… »

Il s’agira ici non pas d’aller dans une démarche de diagnostic ou de résolutions de problèmes mais plutôt de suggérer d’aller ensemble explorer de nouvelles modalités d’être-en-relation (concepts propres à l’approche GT).

Le risque serait d’orienter vers des modèles, des recettes, des introjects sous forme de « il faut…il ne faut pas…Tu devrais…On ne peut pas…etc. ».

Ici la méthodologie revêt toute son importance. La question formulée par un « pourquoi …» est habilement traduite en « comment … ».

Il pourra s’agir d’introduire dans une visée inductive (et non déductive de type théorique/pratique) une expérimentation où chacun puisse élargir le champ des possibles et par tâtonnement et confrontation avec les autres membres du groupe, aboutir à ce fameux « insight » partagé par l’ensemble des participants : « Mais bien sûr !!! »

3. L’EFFET CATHARTIQUE

L’analyse de pratiques, en tant que modalité d’intervention, répond à des objectifs de développement de compétences, principalement de savoir-être ou de savoir faire-faire. Elle n’en reste pas moins, aux dires des participants lors de la séquence d’évaluation de fin de formation, « un espace où il s’en passe des choses…nous laissant parfois un peu perplexes…en tout cas avec des points d’interrogation…et notamment comment ici on s’est autorisé à exprimer des fous rires ou laisser monter des larmes »…

De l’extérieur, cela peut d’autant plus surprendre que l’on pouvait s’attendre à une forme de lissage des affects, d’apaisement, de calme à retrouver dans l’équipe, où l’enjeu implicite, est bien celui de la gestion du stress et plus largement la prévention des risques psycho-sociaux.

Or, si l’émotion ici exprimée peut susciter des interrogations de la part de collègues ou même du commanditaire de l’action, rendus témoins et même dépositaires a postériori de ce vécu individuel ou collectif, il m’apparait nécessaire d’en créer le cadre dès en amont de l’action considérant les règles déontologiques que le groupe se fixe et annonçant que le bilan de l’action ne portera en aucun cas sur le contenu des échanges.

Cet effet, qualifié de cathartique, correspond bien au nécessaire besoin « d’évacuer du trop plein », d’exprimer ses émotions et de déposer dans cet espace là tout ce qui ne peut se dire ailleurs, ce qui ne peut se digérer ni s’assimiler par ailleurs dans le contexte professionnel, en relation avec l’usager/le public/les bénéficiaires mais aussi dans le cadre de l’organisation ou des relations interpersonnelles.

Ces manifestations peuvent tout aussi bien correspondre à la traduction de résistances, de mécanismes de défenses qu’il s’agira non pas de faire tomber mais d’ajuster aux situations rencontrées dans leur singularité.

Le cadre sécurisant, la confidentialité, le respect mutuel, autant de règles émises par le groupe, en effet nous y autorise. Un a priori de pouvoir tout se dire, tout faire, tout jouer, même au sein de sa propre équipe est dès lors possible dès lors qu’il est bien entendu qu’il s’agit là non pas de passage à l’acte (acting out) mais de mise en acte. La séance pouvant, selon les propositions d’expérimentations sous forme de jeux de rôles, s’apparenter aux jeux théâtraux (cf. psychodrame de Moreno), l’émotion peut se traverser dans ce moment particulier où une figure émerge ; la personne est alors mobilisée au travers de toutes ses ressources, au-delà des registres corporel et cognitif, l’émotionnel est présent. Le processus de groupe par là même engagé est quoiqu’il en soit soutenant pour celui qui se « met au travail de cette manière là, avec authenticité et congruence. Rire, pleurer, exprimer sa honte, sa culpabilité : l’accueil en est possible à la condition qu’un parole en permette la résolution et le retour à un état homéostasique : ” ici – maintenant avec ça…Laisser advenir…” »

4. LES RÉSONANCES / L’EFFET PYGMALION

L’analyse de pratiques, si elle se différencie de la supervision (cette dernière interrogeant davantage les concepts psychanalytiques de transfert/contre-transfert et se basant sur l’intra-psychique), va néanmoins dans le cadre de l’approche gestaltiste favoriser un travail à partir des résonnances de tout un chacun, y compris de la part de l’intervenant.

Cela suppose de conscientiser pour ma part l’effet pygmalion, dont je souhaite exposer ci-après le concept issu d’une expérimentation en pédagogie, afin notamment de repérer l’impact des possibles projections qui peut s’immiscer dans l’avancée d’un travail de groupe, de pouvoir en utiliser les effets positifs sans pour autant induire ou influencer le sens que chacun pourra tirer de son expérience au sein du groupe.

L’effet pygmalion

Selon la légende, le sculpteur Pygmalion créa une statue de femme d’une telle beauté qu’il en tomba amoureux : Aphrodite, sensible à cet amour, donna la vie à ce marbre. Cette légende n’est pas tout à fait le reflet de ce qui se passe dans un groupe d’analyse de pratique : l’intervenant ne façonne pas le professionnalisme des participants tel que Rosent al en Pédagogie a pu en mesurer les effets auprès d’étudiants qui s’étaient vus attribués 2 lots de rats pour les uns annoncés comme étant très performants, pour les autres très médiocres. La prédiction de Rosenthal s’est réalisée : les premiers choyaient leurs rats, les valorisaient tandis que le deuxième groupe de rats étant livrés à eux-mêmes…

Cet éclairage s’il est permis, au risque de se voir comparés à des rats dans un labyrinthe, révèle comment le regard positif, la valorisation des ressources, des qualités et des croyances/valeurs du professionnel est un ingrédient essentiel à cet « ajustement créateur », par le truchement de « son sentiment d’auto-efficacité » (Cf. Théorie sociale cognitive de Bandoura). L’ajustement créateur, concept central de la GT est plus qu’un changement apparent : la transformation participe d’une véritable maturation professionnelle.

Il est bon d’ajouter que si ce regard porté par l’intervenant ou par tout autre participant est bienveillant, cela ne signifie pas qu’il soit complaisant. S’il vise un compromis, une réalité subjective acceptable et partagée, les parties en présentes n’iront pas jusqu’à se compromettre au profit d’une pacification prématurée des conflits. Et c’est là toute le déroulement d’un travail de groupe, de l’appréciation subtile de cette situation en co-construction (en même temps que ça se fait… telle une « gestaltung »), situation telle qu’elle se déroule là et dont on a conscience en regard « méta ».

Chacun pourra alors en mode « Je » resté présent à son vécu personnel, sans chercher à l’imposer à l’autre. Quand la parole se prendra à tour de rôle, l’écoute active d’un autre « Je » sera source de résonances (voire d’amplification). A partir de ses propres émotions, la liberté est là sous-jacente, condition sine qua non d’une appropriation du sens à dégager de ce qui se joue là.

La Gestalt-Thérapie en tant qu’approche interactive et relationnelle offre de ce point de vue les caractéristiques humanistes et existentielles qui laisse au sujet son droit de répondre de la situation : le verbe latin responsere revêt ce double sens, recouvrant à la fois ces notions de réponse et de responsabilité.

Un article de Nathalie OLIVIER – nouvel.arrimage@gmail.com

 

Groupe, Approche Gestaltiste, Distanciation, Processus groupal