Skip to main content
Lille, Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux, Rennes…
Plus de 500 Professionnels au service des Equipes

Recherchez dans les articles

Problématiques, systèmes et places des travailleurs sociaux dans l’accompagnement

rôle pla travailleurs sociaux

Dans toute relation, la place occupée par chaque protagoniste est prépondérante. C’est ce qui détermine la dynamique en jeu entre les différents acteurs dans un système et donc, la qualité de cette relation. Lors d’une séance d’Analyse des Pratiques Professionnelles, l’utilisation de l’approche systémique pour l’étude de la problématique, permet de mieux appréhender les enjeux induits par la place des professionnels dans la situation exposée. Si, dans un cadre privé, il n’est pas évident de diriger sa conscience sur cette question de la place, cela devient primordial dans un cadre professionnel ; et tout particulièrement dans les secteurs sociaux et médico-sociaux où la relation est l’outil principal de l’accompagnant.

Des difficultés très souvent liées à la place occupée par le professionnel

Il est question ici de la place que l’on occupe dans un système et du rôle que cela nous amène à incarner (de façon consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire).

Bien que j’en avais déjà conscience lorsque j’étais travailleuse sociale, cela m’a sauté aux yeux lorsque je suis devenue intervenante en APP. Et j’ai remarqué que la majorité des situations énoncées par les participants lors des GAPP donne lieu à l’analyse de problématiques liées à la place du professionnel dans ces situations.

« Je suis en difficulté quand je vais dans cette famille, car les parents me prennent à témoin dans leur conflit… »

« Je suis mal à l’aise avec cette personne que j’accompagne parce qu’elle me parle comme si j’étais sa-son copine-copain… »

« La décision de justice prise pour cet enfant l’amène à quitter le service bientôt… comment va-t-il s’en sortir ? J’ai l’impression de l’abandonner… »

Dans tous les cas, l’exposant ressent un malaise, une perturbation interne qu’il n’arrive parfois pas à exprimer clairement. Quelque chose ne va pas, mais il ne sait pas quoi réellement. Différentes émotions le traversent. Cela peut être de la colère, de l’inquiétude, de la tristesse. Sous-jacent, il y a souvent une dose de culpabilité, principalement lié à un fort sentiment d’impuissance : « je ne sais pas quoi faire, je suis mal à l’aise… suis-je un-e mauvais-e professionnel-le ? »

L’importance du questionnement de la place du professionnel dans le système étudié

Avec l’appui du groupe, je l’amène alors à se questionner sur sa place dans cette situation : au regard de sa mission première, se sent-il à la bonne place ? Quelle place l’autre lui donne ? Qu’est-ce qui fait que cet autre lui donne cette place, à quel besoin cela répond pour l’autre ?

Mais aussi : Quelle place prend-il ou accepte-t-il de prendre ? A quel besoin cela répond pour lui en tant que professionnel ?

Pour permettre d’avancer de façon efficiente sur la réflexion et l’analyse partagée, il est important, en tout premier lieu, de problématiser la situation exposée.

L’analyse et la réflexion doivent être collectives pour avancer en profondeur sur la question (et aussi pour que tous puissent s’enrichir par l’écho que cela induit chez chacun). Pour ce faire, j’élabore, avec l’exposant, une problématique individuelle, concrète et complexe (incluant des éléments subjectifs). Une problématique individuelle, pour une réflexion collective qui fasse écho à tous, cela peut paraître paradoxal. Cependant, en s’appuyant sur une problématique floue et collective, le risque est de se noyer dans des généralités, de ne traiter que la surface visible de l’iceberg. Travailler une matière concrète en s’appuyant sur des éléments subjectifs permet de situer de manière exacte ce qui fait problème. Ainsi, cette problématique peut faire sens pour tous, et s’inscrire dans une réflexion collective et approfondie.

De l’utilisation des playmobils

Modélisation et Systémie

L’utilisation de figurines pour modéliser la situation s’avère parfois pertinente. Cela permet tout d’abord de prendre en compte tous les systèmes impliqués dans la problématique étudiée.

Prenons l’exemple de l’éducateur qui se fait prendre à parti dans les conflits de couple lorsque son accompagnement se passe à domicile. Aller étudier dans quels systèmes les parents sont susceptibles d’évoluer en dehors de l’intervention de l’éducateur peut permettre de mieux comprendre ce qui les amène à donner au travailleur social une place qui n’est pas la sienne.

Dans cet exemple, au début de cette séance d’Analyse des Pratiques, 3 playmobils étaient posés sur la table : les 2 parents et l’éducateur. Puis, très vite, par associations d’idées partagées, la scène s’est enrichie de nouveaux personnages modélisant différents systèmes : les enfants, les grands parents, les instances administratives, etc… tous ayant une influence sur ce qui se joue entre les premiers protagonistes. Et c’est en étudiant ces diverses influences que le professionnel met en évidence ce qui se joue pour lui dans la place qui lui a été donnée, qu’il a acceptée ou qu’il a inconsciemment prise.

La modélisation par des figurines est un bon outil pour étayer l’approche systémique. Il a aussi d’autres avantages dans le cadre des GAPP, et particulièrement lorsqu’il s’agit d’analyser la place occupée par les protagonistes et ce que cela implique.

Modélisation, dissociation et analyse partagée

Pour l’exposant, c’est une aide à la prise de recul par la dissociation, la visualisation de la situation en position « méta ». En se dissociant de la situation, le professionnel porte un regard plus objectif et analytique sur le problème. Il est alors amené à prendre conscience d’enjeux qu’il n’avait pas perçu jusque là. De plus, visualiser la situation permet aux autres participants de mieux l’appréhender en la rendant plus concrète. Son appropriation étant plus aisée par l’ensemble du groupe, la réflexion est collective et favorise des apports riches.

Le professionnel analyse alors plus aisément la place qu’il occupe dans ce système complexe, la fonction de cette place, les écueils dans lesquels il est susceptible de tomber.

Cette prise de conscience lui permet d’être plus assuré dans son positionnement, de se sentir légitime, à sa bonne place.

La prise de conscience de sa place comme outil d’accompagnement

Prise de conscience et légitimité

Une fois qu’il est en mesure d’incarner, profondément, son identité professionnelle, qu’il est au clair avec ses missions, son positionnement, son rôle ; il peut alors se permettre plus de souplesse.

Il lui est en effet plus facile de naviguer dans les courants mouvants, voire tumultueux des relations humaines, et, le cas échéant, de renvoyer aux protagonistes ce qui se joue et/ou ce qu’ils mettent en scène. L’Humain et les relations humaines sont complexes, elles ne sont pas manichéennes, les choses ne sont pas cloisonnées. Et c’est d’ailleurs ce qui fait toute leur richesse.

Prise de conscience et adaptabilité

Le professionnel évolue entre les différents rôles qu’il peut être amenés à recevoir, à accepter, ou à prendre, dans ce contexte complexe. Il peut être un peu l’ami, un peu le médiateur, un peu le parent, un peu le thérapeute, un peu le mauvais objet… L’important est surtout qu’il soit en conscience en permanence : « quelle place suis-je en train de prendre ? » « Quelle place l’autre est en train de me donner ? » « En quoi cela sert ou dessert ma mission auprès de cet autre ? »  « Jusqu’où je peux aller ? Où dois-je mettre le curseur ? ».

Claire MendezMais surtout : « qu’est-ce que cela vient dire de l’autre ? Qu’est-ce que cela vient dire de moi ? Qu’est-ce qu’il se joue dans cette situation/relation ? » C’est à ce moment-là que, par l’observation fine en conscience, le professionnel peut faire de ces enjeux relationnels de vrais outils de travail. Une fois en mesure de comprendre ce qui se joue pour l’autre, pour lui et surtout, dans la relation, il peut alors adapter son accompagnement. J’entends par « accompagnement », parfois des actions concrètes, mais aussi une posture, une attitude, un positionnement.

Et c’est là que l’Analyse des Pratiques Professionnelles prend tout son sens : c’est bien en prenant du recul, en observant ce qui se joue dans la partie cachée de l’iceberg qu’est la relation, que le professionnel modifie sa pratique, parfois même… à son insu.

Claire Mendez – Intervenante Analyse de la Pratique Professionnelle – Grenoble

Travailleurs sociaux, Problèmatiques, Place, Rôle