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A propos de l’inclusion

inclusion

S’il y a bien un précepte aujourd’hui qui est fortement mis en avant dans le médicosocial, mais aussi dans beaucoup d’autres secteurs sociaux, c’est bien le terme d’inclusion. Certes, celui est fort en usage, au point qu’il peut donner l’impression dans certain milieu, entre autres dans celui du handicap, qu’il agit comme un effet de mode. Cependant au demeurant, il répond à un moment particulier de notre situation sociétale. À partir de représentations ou de constats, on peut dire que celle-ci fonctionne plutôt sur des modes d’exclusions. Chacun pourra toujours trouver qu’il peut être exclue d’un autre, mais en particulier aujourd’hui, la notion d’handicap à une tendance forte à s’apparenter à celle de l’exclusion, indépendamment de la réflexion que l’on peut avoir sur cette question dans la société.

Il ne s’agira pas dans cet article d’avoir une réflexion anthropologique sur l’état de notre société contemporaine, mais d’approfondir un tant soi peu ce que peut recouvrir cette notion d’inclusion. Dans ce premier article, de quoi elle veut parler et dans un deuxième article, qu’est-ce qu’il en est au niveau sociétal. Sachant qu’évoquer l’inclusion et son opposer l’exclusion, c’est forcément poser la question sociétale.

Je ne cache pas que la réflexion que je vous propose est construite sur certains aspects en décalages avec les textes et discours que l’on retrouve communément sur ce thème, j’en ai pleinement conscience. À défaut, elle va provoquer sans aucun doute quelques turbulences, voir des agacements, pouvant même être insupportable pour certains d’entre vous. Reste qu’il s’agit par mes propos d’une simple réflexion personnelle dont le seul but est de contribuer à ce que peut recouvrir la question de l’inclusion par rapport aux situations d’handicap en général dans la condition sociale et plus précisément sociétale. Pour tenter une réflexion un peu plus approfondie, il est nécessaire de sortir des évidences et fatalement à un moment ou à un autre de rentrer dans la complexité, ce qui engendre forcément quelques agacements. C’est ma tentative si on veut bien se donner les moyens d’une réflexion approfondie. Il est important de ne pas rester dans la superficialité des choses, mais comme à l’instar de l’œuvre d’Egard Morin, il devient alors inévitable de rentrer dans la complexité, ce qui ne peut être autrement pour pouvoir rentrer au cœur de la question, inclusion-exclusion, une question sociétale…

Tout d’abord, je vais commencer par aborder ce thème par l’étymologie du mot inclusion… Et ça va être plutôt une douche froide…

L’étymologie du mot inclusion renvoie à l’enferment, ce qui est clos, cloîtré ou à clore. Imaginez qu’il s’agit de souhaiter l’enfermement pour des personnes en situation d’handicap, sur le coup ça jette un froid dans la mesure où le mouvement que porte l’inclusion n’a surement pas pour but l’enfermement, pourtant c’est bien ce mot qui est employé à cette fin…

C’est d’autant plus cocasse que la question du handicap durant ces derniers siècles (surtout depuis le XIXéme siècle qui a créé une hiérarchie dans l’espèce humaine) a toujours eut à voir justement avec l’enfermement. L’enfermement dans le nom : « tu es handicapé », sous-entendu, tu n’es que ça ou pire tu n’es pas normal ou encore tu es mal foutu… Également du côté du handicap psychique, voir les polyhandicapés, appelé dans les temps anciens « les fous », dont la société pour ne pas les voir ou pour ne pas les rencontrer, les a enfermés dans des asiles… Concernant cet enfermement, il eut été plus juste, ce qui d’ailleurs est la vocation du mouvement actuel autour de l’inclusion, d’avoir choisi plutôt le mot exclusion, de les mettre au dehors de cet enfermement, mais imaginer dans notre monde médiatique que soit évoqué un mouvement en faveur de l’exclusion des personnes en situation d’handicap… Stop, j’arrête ici, si je continu à ce niveau ça va devenir un sketch à la Raymond Devos.

Ce n’est qu’une introduction, cependant justement dans le souci d’amener à réfléchir à la question de l’inclusion, de bousculer un peu les évidences, il n’est pas inintéressant de commencer cette réflexion à partir du mot et je reviendrai sur cette introduction dans ma conclusion à la fin de mon deuxième article.

Maintenant revenons à jeter un regard sur le fond du problème qui est à l’origine du mouvement actuel autour l’inclusion dans la société par rapport aux personnes en situation d’handicap, puisse que s’est de ça qu’il s’agit…

Si on veut bien analyser l’origine de ce mouvement autour de l’inclusion le point de départ est la question du rejet.

Il serait grandement illusoire à considérer que la question du rejet des personnes en situation d’handicap serait en voie de résolution. Comme dit précédemment et surtout depuis le XIXéme siècle, celui-ci est toujours à l’œuvre, quand bien même il prend des formes différentes voir même contre intuitive.

A propos du rejet, je vous propose trois versions sur quoi il s’organise, ce qui reste la part d’une analyse qui ne relève que de ma recherche personnelle sur ce thème.

La première manifestation du rejet se construit autour de l’image.

Une image qui renvoie toujours à une représentation négative. Être handicapé, c’est être réduit dans ses capacités par rapport à la norme de l’image sociale. Ça évoque aussi un ratage, un défaut de construction, une défaillance permanente. Bref, non seulement une image négative, mais surtout quelque chose pour lequel je ne veux pas devenir et à qui je ne veux surtout pas ressembler. C’est-à-dire à quelque chose qui me fait horreur et que je ne souhaite, ni pour moi, ni pour personne. Ne croyez pas que l’on est sortie de ça, actuellement.

En tant qu’intervenant superviseur dans des établissements médicosociaux, notamment pour les M.A.S., les E.H.P.A.D. et les foyers, il m’arrive de poser la question aux professionnels : « S’il vous arrivait, par accident ou la vieillesse qui nécessiterait des soins et accompagnements importants, aimeriez-vous d’être admis dans l’établissement ou un autre similaire dans lequel vous travaillez ? ». Réponse très majoritaire : « moi jamais, je préfère mourir, voir être euthanasié ». Situation paradoxale, puisse se travail à pour but d’investir ces personnes en situation d’handicap tel qu’elles sont.

Sur cette question du rejet de l’image, l’histoire nous a montré qu’elle a pris souvent deux formes opposées qui au fond relève de la même nature du rejet, un peu comme les faces opposées d’une même pièce.

La première, l’avers, la forme la plus effrayante, l’image du raté, de l’humain dégradant, des sous-hommes et surtout pour les handicapés psychiques, les fous. Image tellement rejetée qui faut la faire disparaitre, d’où l’enfermement dans l’asile pour ne plus en entendre parler et surtout ne plus les voir. Ce rejet a atteint son point paroxysmique au milieu du XXéme siècle et ne l’oublions pas que ce sont les toutes premières personnes qui ont été brulé dans les crématoires Nazi…

La seconde, le revers, le compassionnel, « oh, les pauvres, oh les malheureux, est-ce que ce pas un malheur d’être comme ça… Handicapé… » Ici aussi une autre forme du rejet qui d’ailleurs est beaucoup plus inscrite dans nos temps contemporains, la culpabilité du rejet, mais la culpabilité du rejet n’enlève pas le rejet, puisse la situation du malheureux n’est pas enviable et qu’au fond on ne la souhaite pour personne et surtout pas pour soi. C’est d’ailleurs pour ça que si ça m’arrivait, j’en serai très malheureux au point de désirer ma propre mort.

Rien qu’en posant la question du rejet par l’image abimée ou indigne, on peut voir que celle-ci renvoie à une extraordinaire complexité.

La seconde manifestation du rejet se construit autour de la norme et plus précisément des normes.

Toute société produit des normes, j’y reviendrai dans le deuxième article. Pour l’essentiel, la condition d’être en situation d’handicap vient toucher entres autres, deux normes basiques qui renvoient à cette anormalité.

La première très sociétale, la capacité au travail, la productivité. Notre société, défini comme norme que l’on gagne sa vie en travaillant, comme si le fait de vivre n’était pas suffisant à avoir gagné sa vie…. Alors qu’en est-il de celui qui ne peut pas ou très peu gagner sa vie par le travail. Alors celui-là est à charge, il coûte, il pèse, il peut même entraver la productivité générale.

Il suffit aujourd’hui de visiter un E.S.A.T. pour voir que ces établissements sont au cœur d’une contradiction entre l’insertion de la personne en situation d’handicap et la productivité qu’au point que certains de ces établissements aujourd’hui, finissent par sélectionner les personnes en situation d’handicap justement au nom de la productivité…

La seconde est la norme médicale. Curieusement la médecine ne reconnait pas le concept d’handicap et souvent elle le remplace par le concept d’une ou des pathologies. Ce ne sont que des malades, certains curables, d’autres incurables… Sur quoi est alors basé la notion de pathologie ? Ce n’est qu’à partir d’une norme biologique, un état de normalité défini par un corps sain. En jouant sur les mots on pourrait évoquer un corps saint, mais c’est une autre histoire (sain, saint, être pure…être parfait). Un corps sain qui d’ailleurs n’existe pas, chacun est porteur de pathologies, surtout en psychiatrie, reste à pouvoir s’en accommoder… Il suffit de regarder les DCM en psychiatrie pour faire la démonstration que tous les êtres humains sont détenteur de pathologies.  Si la médecine se base sur le corps sain et que celui-ci est la norme, alors les personnes en situation d’handicap sont des malades et en tant que tel ils s’écartent de la norme et deviennent des anormaux. Concernant l’handicap psychique celui-ci encore aujourd’hui est d’abord, du fait de son handicap psychique, un être anormal. À ce propos il est intéressant de relire Michel Foucault : (Folie et déraison. Histoire de la folie à l’âge classique) de considérer le fou, l’anormal, l’handicapée psychique, comme ne pouvant pas exister avec son anormalité qu’il faut absolument en faire un semblable, un normal. La psychiatrie a souvent compacté la norme biologique à la norme sociale. À partir de ce concept, la personne en situation d’handicap psychique est à la base de l’anormalité.

A ce propos, il m’arrive d’intervenir en supervision auprès d’équipe professionnels d’ESAT et souvent ils évoquent « à cause de sa pathologie…etc. ». Quand je les reprends en jouant le naïf, « vous accueillez des malades ? Vous êtes un hôpital ? » « Bien sûr que non, me répondent-ils » Alors pour les taquiner, je leurs répond, « Alors vous faites travailler des malades… ? ».

Les personnes en situation d’handicap sont, à partir de ces normes, des anormaux avec comme conséquence l’exclusion de leurs places dans la société qui elle avalise ces normes…

La troisième manifestation du rejet se construit autour de la différence.

Pour aborder la question de la différence, j’évoquerais à ce propos plutôt le registre du refus. C’est peut-être celui-là qui est le plus actuel. On peut le considérer comme un rejet, parce que refuser le concept d’handicap, c’est d’abord et surtout parce qu’il y a derrière le rejet de la personne en situation d’handicap.

La personne en situation d’handicap, surtout du côté du handicap psychique est différente dans son rapport au monde et aux autres. Si on veut bien reconnaitre que son état physique et psychique est différent du commun et du semblable (je reprendrai ces termes au moment d’aborder la question sociétale). En tout cas, mon expérience de vie auprès des résidents polyhandicapés d’une M.A.S. comme ceux d’un foyer sont fondamentalement différents de l’être humain ordinaire socialisé. Souvent pour m’inspirer d’Albert Camus, je parle qu’ils sont fondamentalement des êtres étranges dans leur fonctionnement et leur rapport au monde. Ils sont différents et à défaut de les connaitre sur leur mode de vie, il suscite la peur, la peur de l’étrange et donc de l’étranger.

J’ai eu l’expérience pendant mon parcours professionnel dans une M.A.S. de faire visiter l’établissement à des parents en attente de place pour leur enfant ou à des futurs stagiaires ou d’autres professionnels ne connaissant pas ce type d’établissement. Il était toujours saisissant de les voir déconcertés pour certains d’entre eux, ne sachant plus quoi penser et d’être pris dans le vertige de l’étrangeté et de l’énigme. Pourquoi ils sont comme ça, pourquoi ils s’expriment comme ça, avant souvent, mais pas toujours, de se reprendre sur quelques rationalités, justement, autour de leur pathologie, handicap, voir, « oh, les malheureux ! ». La différence déconcerte et trouble. D’ailleurs je proposais à certain de ces visiteurs de revenir me rencontrer pour aborder leur trouble et leurs multiples questions par la suite de cette déstabilisation.

A propos de différence, il y a quelques mois, j’ai aussi vécu une expérience intéressante à l’occasion d’une invitation à un colloque organisé par une association de psychiatres et de psychologues à propos de la place de la folie dans la société, ce qui correspond tout à fait au thème de l’inclusion. Le débat qui s’est ouvert à la suite de l’excellent film de Diego Governatori « Filmer la folie » sur l’interview d’un autiste Asperger de 35 ans, sur comment de sa place et de son état, il se voyait inclus dans la société. Sa conclusion était qu’il se trouvait face à un impossible, dans la mesure que son fonctionnement autistique ne pouvait en aucun cas fonctionner avec le fonctionnement psychique de l’être social ordinaire et en le démontrant par cette métaphore : « Quand vous me montrez la Lune avec le doigt, vous vous voyez toujours la Lune, moi je vois toujours le doigt… ».

DIDIER BOUTERREÀ la suite de ce film, il y a eu un long débat avec le public et entre autres, un échange très vif entre deux dames. L’une représentante d’une grande association parentale et une autre, gravement handicapé au physique très proche de Stephen Hawkins, mais qui a gardé ses capacités d’élocution. La première a crié au scandale, que c’était un film qui faisait ressortir l’handicap et du refus (du metteur en scène) de reconnaitre cette personne comme un adulte comme les autres, car pour elle s’est un adulte comme tout le monde, il ne faut pas les différentier, car c’est les discriminer. La dame gravement handicapée c’est insurgé contre la première en lui répondant, qu’elle n’était justement pas comme tout le monde et qu’elle était handicapée depuis plus de trente ans, qu’elle voulait être reconnu comme tel, car elle se sent différente et que la vie et le monde dans laquelle elle est, est différent de celui des autres…

Ici il était intéressant de voir combien on rentre d’une certaine façon ou d’une autre dans la complexité que je reprendrai d’ailleurs dans la conclusion à la fin de mon deuxième article.

Nonobstant que si effectivement à propos de l’inclusion, il s’agit de la question du rejet de la personne en situation d’handicap entre autres, ce précepte aujourd’hui s’applique aussi à tout ce qui fait différence dans notre société. Évoquer l’inclusion c’est aussi forcément apostropher la question sociétale qui est l’objet du second article, inclusion-exclusion le nœud

Didier BOUTERRE Psychologue-Formateur-Superviseur


Inclusion-exclusion, Une question sociétale

1 – A propos de l’inclusion

2 – Inclusion-exclusion, le nœud


Crédit Photo :  OpenClipart-Vectors de Pixabay

MAS, Handicap, ESAT, Inclusion, Exclusion