Dans le champ de l’analyse des pratiques professionnelles (APP), un constat s’impose : les équipes expriment de plus en plus le besoin d’être reconnues au sein de leur environnement professionnel.
Au-delà des demandes techniques ou méthodologiques, les professionnels souhaitent une véritable valorisation de leurs compétences, ainsi qu’une reconnaissance de leur engagement quotidien. Ce besoin, souvent implicite, s’avère pourtant essentiel à la motivation, à la cohésion et au bien-être des participants.
La considération apparaît comme un moteur central du développement professionnel. Elle agit à la fois comme un levier de reconnaissance, un facteur d’équilibre relationnel et un indicateur de la qualité du climat de travail.
La considération a une portée profondément humaine. Elle s’ancre dans les besoins fondamentaux identifiés par Abraham Maslow, notamment ceux d’appartenance, d’estime de soi et de reconnaissance. Lorsqu’une personne se sent considérée, elle perçoit que sa parole, son expérience et ses émotions ont une valeur aux yeux des autres. Ce sentiment d'exister alimente la confiance et renforce l’appartenance à un collectif.
Au sein des équipes professionnelles, cet aspect se manifeste dans la manière dont les contributions sont accueillies, les erreurs comprises, et les compétences reconnues. Dans ce contexte, l’analyse des pratiques professionnelles devient un outil précieux pour favoriser cette dynamique. Elle offre un cadre structuré permettant aux participants d’exprimer leurs difficultés et de réfléchir ensemble aux moyens d’améliorer leurs pratiques.
Les professionnels souhaitent être entendus sans jugement, compris et reconnus dans leurs implication. Ce besoin dépasse les statuts, les métiers ou les hiérarchies, il touche à la dimension universelle de la relation humaine et semble avoir toujours existé.
Se sentir considéré implique d’être écouté attentivement, d’avoir la possibilité d’exprimer son point de vue et de voir sa parole accueillie avec respect. Lorsqu’une personne sent que son expérience compte, elle s’engage davantage dans la dynamique collective.
Ce besoin de considération est-il réellement plus accentué aujourd'hui ? L'individualisation, la perte de repère sociaux, l'exposition numérique amplifiée et l'injonction à la performance sont autant de facteurs qui fragilisent notre capacité à trouver cette satisfaction.
Dans le cadre des APP, plusieurs pratiques concrètes peuvent nourrir ce sentiment de reconnaissance. Par exemple, au début d’une séance, il peut être proposé à chaque participant de choisir un mot, une phrase, une image reflétant ses attentes au moment présent. Cette approche individuelle permet d’éviter les comparaisons ou généralisations. Elle amorce également le tour de présentation et la co-construction du cadre de façon ludique. Ces mots, souvent simples, deviennent fil conducteur pour la réflexion collective. La confidentialité, le non-jugement et le respect sont des piliers indispensables. Ils permettent de créer un environnement propice à l’expression et à la réflexion partagée.
Durant la séance, la considération se traduit par l’écoute active, la reformulation bienveillante, le questionnement entre pairs et l’équité du temps de parole.
L'intervenant veille à ce que chacun puisse s’exprimer à son rythme : « Si vous percevez que ce n’est pas le moment de parler, vous pourrez le faire lors d’un prochain temps ». Ce type de posture diminue la pression, favorise la confiance et encourage une participation plus authentique.
En fin de séance, les axes de travail émergents sont reformulés, valorisant les échanges, les diverses approches abordées.
La considération ne signifie pas complaisance. Il s'agit de conjuguer le bon équilibre afin de répondre à l'ensemble des orientations des APP.
Les analyses de pratiques professionnelles s’inscrivent dans un cadre institutionnel ou organisationnel où interviennent des commanditaires : directions, encadrants, institutions partenaires. Ces acteurs ont leurs propres attentes, souvent orientées vers la qualité du service, la prévention des risques professionnels ou la cohésion des équipes.
La relation entre le groupe et le commanditaire doit être pensée comme un espace de médiation fondé sur la confiance. Il s’agit de préserver la confidentialité des échanges tout en transmettant, de manière anonyme et avec accord du groupe, des éléments utiles à la compréhension collective : besoins récurrents, difficultés systémiques, pistes d’amélioration. Ces retours participent à une régulation constructive entre les différents niveaux de l’organisation et renforcent la cohérence du dispositif.
Ainsi, la considération se prolonge dans la manière dont les résultats sont partagés, interprétés et mis en œuvre. Valoriser la parole des participants auprès des instances décisionnelles, c’est reconnaître leur expertise et leur rôle dans la dynamique institutionnelle.
Répondre au besoin de considération constitue un levier majeur dans les dispositifs d’analyse des pratiques professionnelles. Cette attention portée à la reconnaissance favorise la prévention de l’épuisement émotionnel, renforce la cohésion d’équipe et soutient l’investissement professionnel.
Par son approche centrée sur l'humain, l'animateur offre un modèle qui peut inspirer le commanditaire à accorder une considération plus profonde à ses équipes. Faire le lien avec les commanditaires revient également à reconnaître la place de chacun dans un écosystème. Cette démarche s’inscrit comme un pilier du développement professionnel, individuel et collectif et incarne une véritable éthique relationnelle au service de la qualité du travail.
Crédit photo: Perrine Company
