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L’Analyse des Pratiques Professionnelles, le Photolangage® et la Gestalt

Je vais relater ici une séance d’APP avec l’équipe pluri professionnelle d’un établissement recevant des jeunes, équipe composée d’éducateurs spécialisés, enseignants, éducateur sportif, maitresses de maison. Je vais dérouler pour vous cette séance utilisant le média Photolangage® et s’appuyant sur des éléments théoriques en lien avec ce média et l’approche gestaltiste.

Lors de la première rencontre avec ces professionnels, après avoir pris le temps nécessaire pour poser le cadre, échanger sur les représentations, je leur demande de me présenter leur public accueilli. Je perçois, j’entends dans le discours une présentation de celui-ci avec une non possibilité d’évolution, un regard fataliste à leur égard. Ils disent “Je sais ce qu’il va advenir à la sortie de l’institution”. Il s’agit d’un futur projeté par les professionnels. Quelle possibilité d’évolution a le résident accueilli ? En posant les choses ainsi, on continue à le regarder sous un certain angle où pas de possibilité d’en sortir. Un dilemme est présent : en même temps, les professionnels ont le désir que les jeunes évoluent, en même temps, ils ne croient pas à une évolution pour eux. Ils “configurent” l’autre en fonction de leur représentation de lui. Quelles possibilités, quelle liberté sont laissées à l’autre d’être différent de ce futur projeté ?

Le gestalt thérapeute utilise le dialogue herméneutique en relation avec une personne. La possibilité que l’autre ait sa raison est le cœur de l’herméneutique (Hans Georg Gadamer 1900-2002). Nous devons pratiquer la suspicion par rapport aux évidences lorsque nous accompagnons des personnes. Paul Ricoeur va également dans ce sens, “il faut aller à l’école de la suspicion pour détruire les illusions de la conscience naïve”, dit-il. Dans le dialogue herméneutique, on se situe dans un JE-TU en dialogue avec un CELA, qui sera pour la séance suivante, un objet médiateur visuel.

Je décide donc la fois suivante de démarrer la séance par une séquence Photolangage® .

Une séquence Photolangage® se décline en 4 étapes et le choix des photos se fera à partir de la consigne suivante :”On dit parfois “les dés sont jetés ». On dit aussi “tout n’est pas joué”. Parlons–en avec deux photos”.

Ce dispositif Photolangage® est intéressant puisqu’il y a mobilisation de la pensée en images qui fait réagir la personne à partir de ses images intériorisées et des affects qui les accompagnent. L’animateur de ce type de séance invite les membres du groupe à réagir, à dire ce qu’ils voient de semblable ou de différent, à propos de la photo. Le sujet s’inscrit dans un processus de subjectivation, car il est amené à exprimer devant le groupe sa propre vision du monde et de lui-même. Il le fait en s’appuyant sur le groupe mais aussi en se différenciant des autres. “La médiation n’est pas interprétative, ni même occasion à formuler une interprétation, elle se définit par un espace intermédiaire de confrontation des différences et de rencontre des ressemblances …” (Claudine Vacheret in “Photo, groupe et soin psychique”, Presse Universitaire de Lyon, 2000). L’objet médiateur réapprend au sujet à parler, à associer, à relier. De plus, il y a tout l’intérêt du groupe. Le groupe, comme la mère, n’a-t-il pas dans sa dimension apaisante un rôle qui serait à rapprocher de la fonction de “détoxication” des projections telles que W.R. Bion la conçoit ?

Détoxiquer les projections reviendrait à permettre au sujet d’introjecter en retour ce qui lui revient, afin de se le réapproprier. Cela amène un débat et fait cheminer chacun. Le travail associatif s’enrichit de la pluralité des échanges. On arrive alors à la prise de conscience de la subjectivité de ses perceptions, de la relativité de ses représentations et le groupe parvient ainsi à la construction d’un imaginaire groupal.

Des liens éventuels peuvent être opérés par le sujet soit dans l’Ici et maintenant du groupe, soit dans l’après coup du travail de groupe et ce en fonction de ses propres mécanismes de défense et résistances du moment.

La présentation des photos choisies individuellement au reste du groupe permet de faire émerger un certain nombre de figures chez les professionnels. Après l’ensemble des présentations, un professionnel amène la situation d’un jeune. Cette situation m’amène à évoquer auprès des professionnels le stade du miroir (décrit par Wallon et Lacan ensuite) et le miroir au sens de ce que l’équipe réfléchit, renvoie (de la même manière que des parents le font d’ailleurs). De plus, en qualité de Gestalt thérapeute, où nous nous impliquons dans la relation, je fais part également de mon regard.

Et la boucle est bouclée par rapport à l’observation du début de cet article : Qu’est ce que les professionnels donnent à voir d’eux ? Qu’est ce qu’ils réfléchissent ?

L’échange via l’objet médiateur a permis une réflexion et un réajustement des représentations des professionnels afin de porter un regard renouvelé et plus juste sur les jeunes dont ils prennent soin.

Mireille ALLEE – allee.mireille@gmail.com

Photolangage, Gestalt, Approche Gestaltiste