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Groupe de parole, analyse de la pratique, supervision : petit mode d’emploi pour les nuls

Groupe de parole, analyse de la pratique, supervision : petit mode d’emploi pour les nuls

Les responsables d’établissement qui souhaitent organiser un travail réflexif à destination de ses professionnels se posent souvent – à juste titre – la question de l’appellation d’un tel groupe. Faut-il constituer un groupe de parole, d’analyse de la pratique ou de supervision. Au-delà de l’appréciation plus ou moins poétique de ces labels se cachent souvent des partis pris idéologiques ou paradigmatiques.

Ce thème récurrent, que chacun aborde doctement, est la plupart du temps plus révélateur des postures personnelles que générateur de certitudes, aucune autorité ne venant clore définitivement le débat. S’ajoutent à cela les connotations générées par les courants historiques, théoriques.

On peut évidemment éviter de se positionner en créant de nouvelles appellations ; groupes réflexifs, approfondissement des pratiques, etc.

On peut encore nommer ces groupes de manière aléatoire ou en reprenant le terme préféré par les participants…

Si les mots ont un sens et que la réalité est une construction sociale passant principalement par le langage, alors, l’arbitraire n’est pas un problème, à condition de vérifier qu’il y a adéquation entre le but recherché et les connotations émises. Aussi, loin de vouloir clore le débat en nous prenant pour une autorité que nous ne sommes pas, nous proposons une grille de réflexion visant à mettre en corrélation chaque appellation avec des objectifs et donc des moyens. Nous serions satisfait su ce petit travail permettait d’affiner les bonnes indications pour chacun de ces groupes. Ceci pourrait permettre aux responsables un pilotage plus rigoureux de ces groupes souvent survalorisés par les participants et parfois financés par les dirigeants sans autre but avoué que de d’offrir un espace de défoulement… à toutes fins utiles !

Le groupe de parole

Comme son nom l’indique celui-ci vise l’expressivité des participants.

La fonction essentielle de l’animateur d’un tel groupe consiste à :

  • Aider chaque participant à exprimer librement son ressenti, son vécu dans une fonction professionnelle, associative ou sociale ;
  • Faire circuler de la manière la plus fluide possible ladite parole entre les différents participants ;
  • Favoriser les échanges entre les participants.

Les indications pour un tel groupe peuvent être de plusieurs ordres ; il peut en effet convenir :

  • A des personnes exposées régulièrement à des situations difficiles, à fort potentiel traumatogène (pompiers, policiers, personnel médical en soins palliatif, etc. ). Son rôle est préventif et permet probablement d’éviter la formation d’état de stress post-traumatique (PTSD ou ESPT) chez les participants. On privilégiera alors comme animateur un professionnel, formé en victimologie ou au minimum aux techniques de débriefing psychologique. On se méfiera d’une simple expression des émotions supposée être une catharsis qui, mal encadrée techniquement, produit plus d’effets négatifs que positifs chez les participants, contrairement à ce que véhicule la croyance populaire ;
  • A des personnes peu ou pas formées pour les fonctions qu’elles assument ou très peu en lien avec des pairs : groupe d’aidants familiaux, assistantes maternelles, bénévoles, etc. En ce cas, ce qui est visé est davantage la solidarité, l’identification croisée, le soutien moral et l’élaboration de schèmes comportementaux intériorisés (modèles).

L’élaboration intellectuelle, l’expertise de l’animateur, les interprétations psychologiques et l’apport de concepts sont peu cohérents avec la nature de ce groupe.

Le groupe d’analyse des pratiques professionnelles ou GAPP

Celui-ci, comme son nom l’indique, s’adresse à des professionnels. C’est chez les professionnels de santé (médecins avec les groupes Balint, travailleurs sociaux avec le case-work) que cette pratique s’est développé après-guerre pour s’étendre à l’ensemble des professions dans lesquelles les relations humaines sont une composante importante. La caractéristique de ces professions (assistantes sociales, éducateurs, infirmières, médecins, psychologues, aides médico-psychologiques, etc.) est l’intrication des dimensions techniques et humaines. L’intérêt d’un tel groupe est d’aider le professionnel à démêler son implication personnelle de la posture professionnelle.

Initialement très imprégnés de psychanalyse, ces groupes, menées par des « psy » adeptes des théories freudiennes, se centraient principalement sur le contre-transfert.

Il en reste aujourd’hui des groupes qui amènent les participants à réfléchir sur leurs pratiques… comme son nom l’indique, mais plus particulièrement sur leur implication relationnelle et affective. L’objectif explicite est souvent :

  • la recherche de la « juste distance », c’est-à-dire d’une relation dans laquelle l’affect serait sous contrôle et de garantir une posture « professionnelle » en limitant l’impact personnel ;
  • D’améliorer le confort du salarié et de prévenir les effets de burn out produits habituellement par une implication non maitrisée et en « surchauffe ».

Rarement obligatoire, la participation se fait plutôt sur la base du volontariat ou d’une incitation.

Cette activité connait un regain de succès, car elle s’inscrit dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux ; l’agence nationale de l’évaluation (ANESM), dans ses Recommandations de Bonnes Pratiques Professionnelles (RBPP) en souligne aussi fortement l’intérêt.

La distanciation produite par un groupe d’analyse des pratiques professionnelles est incontournable pour tous les professionnels dont le champ implique une composante relationnelle importante voire essentielle. Bien entendu les réunions d’équipe, les réunions de projet personnalisé, etc. sont d’autres lieux destinés à l’élaboration, mais le GAPP représente souvent pour les acteurs un lieu pour « souffler » et se ressourcer.

La supervision

La supervision est souvent perçue comme une analyse de la pratique un peu plus « pointue ». Parfois c’est le terme, moins usité, qui séduit. La différenciation avec l’APP n’est pas toujours claire.

Historiquement, ce sont les praticiens de l’approche systémique qui ont développé le terme (celui-ci était utilisé par les psychanalystes dans un sens très différent puisqu’il s’agissait pour le candidat psychanalyste, dans le cadre de sa cure didactique, de soumettre son travail à l’analyse de son contre-transfert).

Il faut comprendre que pour les systémiciens, qui ont beaucoup travaillé sur la communication (verbale, non-verbale et para-verbale), l’intervenant n’est jamais neutre. L’essentiel du travail se joue donc dans l’interaction entre l’usager et le professionnel ; le seul levier sur lequel le professionnel peut agir est celui de son propre comportement. Dans cette optique, la supervision n’est donc pas une mesure d’hygiène ou de prévention d’un risque, mais vise la nature même du travail. Dans cette optique, la supervision représente donc une pratique banalisée et comporte des éléments réflexifs autour :

  • de l’usager (sans son contexte)
  • de l’intervenant (dans son contexte)
  • les jeux relationnels ou la nature de la relation entre eux.

Les objectifs, outre les bénéfices attendus dans les groupes d’analyse de la pratique, sont :

  • D’améliorer la compréhension de (la situation de) l’usager ;
  • De comprendre ce qui se joue dans la situation globale ;
  • De viser l’efficience de l’intervention du professionnel en faisant de la relation un atout plutôt qu’un frein.

Les conditions pour proposer de la supervision est la recherche d’efficience dans l’intervention, au prix de l’implication intellectuelle, affective et relationnelle des professionnels.

Jean Pierre ERNST – Psychologue consultant

méthodologie, supervision, Analyse des pratiques, GAPP, APP, Groupes réflexifs, Groupe de parole