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Animer un groupe d’analyse de pratiques

L’animation de ce type de dispositif est compliqué par de nombreux choix à faire, par la charge émotionnelle et la responsabilité du groupe à assumer. Ici, l’exemple du Groupe d’entrainement à l’analyse de situation éducative. (Gease)

« Faire le deuil de la maitrise et de la toute-puissance » (Philippe Perrenoud, Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant, ESF, 2001)

Définition du rôle de l’animateur dans un Gease

  • Penser « formation » plus qu’écoute, discussion ou recherche de solutions
  • Sensibiliser à la complexité ou à l’hypercomplexité
  • Faire procéder à une lecture plurielle
  • Faire penser à partir de l’apport des sciences humaines

​L’identité de l’animateur

  • L’animateur (l’anima sans la potestas = le souffle sans la toute-puissance)
  • Le conducteur (piloter mieux que diriger), parce qu’il a en charge la sécurité des personnes et du groupe
  • L’entraineur (pas le coach) parce qu’il joue un rôle de miroir
  • Le formateur (sans formatage) qui transmet parce qu’il « autorise » le groupe à construire les compétences et les connaissances

Fonctions et compétences du formateur

  • S’appuyer sur des « savoirs théoriques »Jean-Marie Barbier (dir.) Savoirs théoriques et savoirs d’action, PUF, 1996.
  • Savoir que seul l’apprenant s’éduque et que la présence du formateur constitue un adjuvant précieux, mais non indispensable ;
  • Respecter la méthodologie ETE : espace, temps, entrainement ;
  • Rappeler la succession Arta (Action – Réflexion sur l’action – Théorisation – Action – Réflexion sur l’action, etc.).

Avant de commencer un Gease

  • La préparation de la salle et le dispositif matériel : cercle de chaises (douze à quinze participants) ; cercle de tables (variante) ; animateur dos à la porte ; observateurs éventuels hors du cercle avec ou sans consignes.
  • Le courage des commencements et la dynamique de groupe : rappeler les règles, notamment de « sécurité » ; « Qui veut dire quoi avant de commencer ? » (créer un espace de transition) ; gérer le temps en ayant le souci de la transition, mais aussi de l’évitement de l’évitement ; « S’il n’y a plus de question ou de remarque après celle-ci, on peut passer à la séance de travail ».

Le choix du narrateur ou de la situation

Une méthode correspond aux origines psychosociologiques du Gease : « À partir de maintenant, la première personne qui prendra la parole exposera une situation dont elle a été témoin ou actrice et sur laquelle le groupe va s’entrainer à analyser ». Des variantes suivant les publics : évocation individuelle, puis sous-groupes (trois à cinq) avec choix d’une situation (ou de deux), lui donner un titre et l’animateur choisit ou fait choisir celle sur laquelle on travaille (la frustration remplace le silence). Le Gease se fait en quatre temps + un (exposition, exploration, interprétation, réaction puis méta-Gease).

Première phase : l’exposition

La situation : « C’est une fraction temporelle de l’environnement passé d’une ou d’un participant présentant à la fois des caractéristiques objectives et la façon dont il les a ressenties, la manière dont il s’est comporté et qu’il rapporte à des fins d’études par le groupe. Occasion d’entrainement à l’analyse des situations pour le groupe, elle est en plus pour lui l’occasion d’un bénéfice personnel. » Ne sont pas une situation : un récit biographique À l’animateur de décider s’il y a une situation qui permette de passer à l’exploration.

Deuxième phase : l’exploration

Le narrateur reste dans le groupe et répond aux questions dans l’intention de favoriser la (re)construction de la situation par le groupe. Faciliter l’expression de tous les participants : permettre une prise de parole régulée dans le temps et fluide sans être la « tour de contrôle » ; s’appuyer sur des regards afin de réduire, au fil des Gease, le nombre de ceux qui n’interviennent pas (variante : questions notées dans l’inter-phase) ; reconnaitre l’émotion qui émerge, veiller à l’empathie ;relancer éventuellement en restant en zone proximale de développement (Vygotski) ; rechercher les sentiments, les pensées, les émotions du narrateur en les considérant comme des faits, des données à élucider.

Troisième phase : l’interprétation

Le narrateur doit se contenter d’écouter les différentes hypothèses ; l’animateur peut suggérer au narrateur de prendre des notes pour préparer sa réaction (cela lui donne une activité qui l’absorbe et lui évite la tentation d’intervenir), aux participants de ne pas s’adresser au narrateur, que ce soit par la parole ou le regard. L’hypothèse est ce qui est littéralement « posé en dessous » et c’est ce que demande l’animateur : faire des hypothèses au sens commun du terme. Il s’agit de s’entrainer en vue de comprendre l’hypercomplexité et de l’approcher sans la dénaturer. Le groupe ne cherche pas « la » vérité, ni même une vérité, il cherche à développer ses compétences individuelles et collectives de « déconstruction » d’une situation. L’animateur veille à cette élaboration.

Quatrième phase : la réaction

Le narrateur retrouve la parole et son bien, la situation et ses émotions, il se réinscrit dans son histoire, parole qu’il a suspendue le temps de l’écoute du groupe. Le rôle de l’animateur : rappeler que, par la suite, plus personne ne sera habilité à recommencer le travail sur la situation qui n’a été prêtée que pour en faire une occasion d’entrainement, même si elle peut être évoquée dans le cadre d’une réflexion sur ce qui s’est passé. Écouter le narrateur et éviter les relances (y compris celles de l’animateur qui a pour rôle de respecter la consigne ci-dessus !).

Le méta-Gease

Le but du méta-Gease est d’analyser ce qui s’est passé dans le Gease pour accélérer un double développement des compétences (enchainements dans l’exploration et l’interprétation) et des connaissances (savoirs de référence). Placer une pause entre Gease et méta-Gease : clore le travail et restituer la situation au narrateur ; veiller à ce que tout le monde bouge ; permettre au groupe de se reformer dans une perspective de travail renouvelée (éventuellement en changeant la disposition des chaises et des tables) ; réfléchir sur ce que l’on a fait en Gease ; repérer les acquis dans une intention de métacognition ou en vue de recherches ultérieures. Quelques méthodes : le tour de table ; le recours à l’observation ciblée et à des observateurs ; traitement différé d’une semaine à un mois d’une question nécessitant des recherches (cf. les punitions). Penser à redonner la parole au narrateur en dernier pour respecter parfaitement le protocole.

Conclusion

L’animation d’un Gease requiert des compétences de conduite de réunion, de vigilance décontractée, de formateur confiant dans l’éducabilité du groupe, de fermeté pour la protection des personnes. Elle repose aussi sur des attitudes éthiques pour traiter le surgissement d’imprévus et en assumer les conséquences, de loyauté vis-à-vis des commanditaires. Elle nécessite une formation initiale et continue pilotée par l’animateur et référée aux savoirs sur les analyses de pratiques professionnelles qui peut se traduire par un temps de régulation au début de chaque séance (en prévoir six à dix par an), respectueuse d’une supervision qui est indispensable pour tout animateur de Gapp. Évaluation et évolution de ces compétences par la veille technologique qui va permettre de profiter de tous les apports de l’évaluation et de la régulation.


Un article de Richard Étienne Publié le 10/01/2012 dans le Hor-série numérique 23 des CAHIERS-PEDA

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